vendredi 30 octobre 2009

Journal d’un bébé

"Soudain, un morceau d'espace se détache

C'est un pilier, mince et tendu

Il est immobile et chante d'une mélodie claire"

 

Voilà comment Daniel Stern rend compte du fait que Joey vient de quitter du regard la tache que le soleil faisait sur le mur de sa chambre, et se trouve face aux barreaux de son lit. Au loin, le mur opposé, plus sombre.

Daniel Stern est un américain qui vit en Suisse. Cela en fait déjà une curiosité. Mais il est plus qu'américain. Il est texan. Texan, vivant en suisse, et psychanalyste. Comme il aime cumuler, il est un psychanalyste particulier.

Concernant les bébés, les psychanalystes ont eu deux attitudes. Certains partent du bébé de la cure, c'est à dire du bébé imaginaire que les patients, adultes et enfants, ammènent le temps de la séance. Cela a été le cas de Melanie Klein, Donald Winnicott ou Françoise Dolto.  D'autres partent du bébé observé. Cela a été le cas de Esther Bick (qui a mis au point une méthode d'observations psychanalytique du nourrisson), Serge Lebovici ou... Daniel Stern.

La somme de connaissance que les psychologues du développement ont accumulé est tout a fait importante, et de l'avis de Daniel Stern, insuffisament prise en compte par les psychanalystes. D'un autre coté, les données de la psychologie du développement risquent de rester stériles si elles ne sont pas reliées à une pratique. Par exemple, nous savons aujourd'hui que les développements théoriques sur une phase d'autisme normal ou d'une phase de narcissisme durant laquelle l'enfant n'a pas de lien avec l'environnement est inexacte. Le biais vient sans doute du fait qu'ils s'agit d'une part de reconstructions, et d'autre part de reconstructions à partir de cas pathologiques. Ce que l'on observe, de façon expérimentale ou naturelle, c'est que l'enfant est un formidable inter-acteur et ce dès ses premiers moments de vie aérienne.

Le talent de Daniel Stern est assez unique. Il sait régresser suffisamment pour entrer en contact avec de tous jeunes enfants. Mais, somme toute, cela est une qualité partagée par toutes les mères pendant ces premières semaines durant lesquelles Winnicott disait que les mères sont folles de leur bébé et c'est une qualité que l'on est en droit d'attendre d'un thérapeute d'enfant. Son talent particulier est qu'il est capable d'en remonter avec une brassée de mots suffisants pour rentre compte de ce que peut vivre un enfant

Le Journal d'un bébé suit l'évolution de Joey. Le voyage commence à 6 semaines et se termine à quatre ans. On passe, au fil des pages, du monde des sensations d'un nourrison au monde des histoires d'un enfant bien installé dans un univers social dont il connait les règles. Entre les deux, les interactions avec la mère, les explorations des paysages psychiques, et l'arrivée des mots. Pour le lecteur, un plaisir constant devant l'inventivité de Daniel Stern qui mêle habilement l'imagination, la poésie, avec les données de la psychologie du développement. Il réussit ainsi a donner a la psychanalyse la rigueur qui lui manque parfois et à la psychologie du développement des applications pratiques.

Voilà un livre à découvrir pour qui s'intéresse à la psychologie des petits d'homme

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