dimanche 22 novembre 2009

La fessee

Max Ernst, La Vierge Marie donnant une fessée à l'Enfant Jésus. © ADAGP, Paris, 2005

La fessée est une pratique brutale, violente, et qui a une valeur pédagogique nulle.

Le tollé suscité par la proposition de loi de Edwige Antier visant à interdire la fessée montre cependant a quel point il existe un clivage entre ce que chacun peut accepter intellectuellement et ce qu’il est prêt a admettre.

La fessée ? Après tout, il ne s’agit là que d’un geste d’impatience face à un enfant qui se refuse à obéir. On remarquera que l’impatience est comprise et tolérée pour l’adulte, alors qu’elle ne l’est pas lorsqu’il s’agit de l’enfant. Devant un enfant impatient qui lève la main sur un camarade, on s’offusquera. Si c’est un parent qu’il menace, on se scandalisera. Pourquoi ? Il ne fait pourtant que ce que fait tout enfant : suivre l’exemple de ses parents. Si ceux ci se laissent aller à leur violence, pourquoi ne le ferait il pas ?

On peut pourtant penser qu’un enfant est moins à même de contenir ses désirs précisément du fait de son statut d’enfant. Il n’a pas la même perception du temps qu’un adulte, il n’est pas soumis aux même exigences sociales, il a une perception de la réalité qui est très imprégnée de son imaginaire,  et il n’y a pas si longtemps que cela son immaturité totale lui laissait penser, pour peu qu’il ait été dans un environnement suffisamment bon, que tous ses désirs pouvaient être exaucés.

Que le travail d’éducation des parents vise à aider l’enfant à satisfaire ses désirs dans les cadres déterminés par la culture dans laquelle il vit, cela est évident. Mais en quoi se laisser aller a la satisfaction immédiate de violence en battant pourrait avoir une quelconque vertu ?

En rien.  Pire : un enfant battu est un enfant humilié.

Un enfant confronté a la violence parentale est un enfant qui vit une situation traumatique. En soi, sa situation d’enfant le place déjà dans une position déséquilibrée, inégalitaire : son corps minuscule fait face a l’immensité des corps adultes, à leur voix qui tonne, à leur force immense, à leur habilité prodigieuse. Ce déséquilibre a été engrammé dans les cultures sous la forme de contes dans lesquels un héros triomphe de géants.

Ce que l’enfant  vit pendant la fessée, c’est la confrontation avec un parent qui déchoit de son statut de parent, un parent dont le visage se transforme sous l’effet de la colère, un parent qui ne peut plus contenir les fantasmes agressifs, violents, et finalement, les fantasmes de mort qu’il nourrit vis à vis de son enfant. De son coté, l’enfant battu est lui même aux prises avec des fantasmes de mort : il veut frapper comme il a été frappé, il veut briser comme il a été brisé, il veut, en définitive, la mort de celui qui l’a agressé.

Ces désirs, en soi, qu’il s’agisse de ceux du parent ou de l’enfant ne sont pas répréhensibles. Les choses sont différentes selon qu’il s’agit de l’adulte ou de l’enfant. Du coté de l’adulte, ce qui est dommageable, c’est de se laisser aller à satisfaire directement des désirs agressifs. Du coté de l’enfant, ce qui est dommageable, c’est de vivre des désir comme “mauvais”. Comme la fessée est donnée “pour son bien”, et par son parent, il ne peut s’empêcher de les vivre  avec une pointe de honte et de culpabilité.

Voilà donc un point de fixation possible aux névroses de l’enfant de l’age adulte.

Il est possible d’élever un enfant sans le battre d’aucune façon, et même sans exercer de violence sur sa personne. Cela nécessite de la part du parent un travail sans doute plus important : il doit contenir ce que l’enfant ne peut pour l’instant contenir, et le transformer suffisamment en attendant que l’enfant puisse le faire pour lui. Cela fait partie de la fonction même de parents qui sont des individus au service de la croissance bio-psychologique d’un l’enfant : ils sont des tuteurs, et doivent s’effacer dès que l’enfant peut assurer pour lui-même la fonction que les parents assuraient jusque là.

 

Les parents s’épargneraient bien des problèmes s’ils prenaient conscience que leur enfant n’a pas a leur obéir. Leur enfant doit apprendre a assurer sa sécurité, puis celle des autres, et se conduire d’une façon honorable. Demander a un enfant a obéir a ses parents, et le punir en cas de désobéissance est la meilleure façon d’aider a construire des adultes soumis a l’autorité ou la refusant de façon névrotique. Obéir a la loi est une exigence bien plus grande que de satisfaire papa et maman, et les fruits de cette exigence sont alors bien plus grands. Mais il faut d’abord que les parents montrent l’exemple.

1 commentaire:

  1. Reste que nous savons bien que ce n'est pas une loi qui changera grand chose à cette universelle et antique pratique. Pour le reste tu as parfaitement raison. A preuve Jésus qui n'aurait certainement pas si mal fini si Marie n'avait pas cédé à la tentation.

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