dimanche 30 mai 2010

Un psychologue n’est pas un psychothérapeute par défaut

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Trois syndicats de psychologues réagissent au décret d’application de la loi régissant le titre de psychologues deux jours après que des psychologues aient commencé à s’organiser sur Facebook.

Le SNP, le SIUEERPP et la FFPP déplorent que la loi prévoie que les psychologues aient à se former au métier de psychologue

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Il est en effet prévu que les psychologues fassent une formation de 150 heures et un stage de deux mois pour pouvoir exercer comme psychothérapeute. Les syndicats voudraient que les psychologues soient dispensés de cette mesure, arguant du fait que les psychologues cliniciens sont déjà formés à la connaissance des processus psychiques, au discernement des pathologies psychiatriques, aux théories psychopathologiques, et aux principales approches utilisées en psychothérapie.

Cela tient au fait que la psychologie clinique en France a été développée par Daniel Lagache et  Juliette Favez-Boutonnier, médecins, psychanalystes et philosophes. Ils ont fondé la psychologie clinique sur un fond profondément humaniste et nous leur en sommes redevables. Nous leur devons aussi l’ambigüité psychologue – psychothérapeute qui prend sa source dans la notion de la relation d’aide. Un bilan psychologique peut être une aide car il donne au sujet de nouveaux moyens pour se représenter sa situation. Mais il ne sera pas thérapeutique, et ce n’est d’ailleurs pas sa fonction.

Rappelons ce que tout dictionnaire nous enseigne : un psychologue est un spécialiste de la psychologie; c’est aussi quelqu’un qui discerne et comprend intuitivement les sentiments et mobiles d’autrui. Un psychothérapeute est un spécialiste de la psychothérapie. Or, au terme de cinq années d’études, j’ai été diplomé, comme des milliers d’autres, en psychologie et non en psychothérapie. Ma formation de psychothérapeute, je l’ai accomplie en plus de mes études de psychologie : par des formations a des techniques psychothérapeutique, des colloques, des groupes de travail, et des supervisions *

Ces formations ont largement dépassé les 150 heures et les deux mois de stage. Elles ont été profondément impliquantes, et ont eu, pour certains points, des effets de remaniement psychique. Ce travail n’aurait jamais pu se faire dans le cadre ma formation de psychologue simplement parce que celle ci est liée a à une évaluation universitaire. La formation de psychologue implique des choses à savoir. La formation de psychothérapeute implique des choses à découvrir.

Un psychologue n’est pas un psychothérapeute par défaut. La loi qui vient d’être votée est sans doute imparfaite : les volumes horaires sont insuffisants, les médecins et les psychologues n’ont pas à être exemptés de formation, les formateurs sont encore non désignés, mais on peut espérer qu’elle permettra a terme de faire passer les distinctions entre médecin, psychologue, et psychothérapeute

 

* une supervision est l’assistance que donne un psychothérapeute a un autre psychothérapeute, généralement moins expérimenté, pour la conduite d’une ou de plusieurs de ses psychothérapies.

jeudi 27 mai 2010

Des psychologues s’organisent sur Facebook

image Des psychologues s’organisent sur Facebook pour manifester contre le vote du décret d’application réglementant le titre de psychothérapeute.  La mobilisation se fait dans le style des Apéro Facebook : une initiative personnelle trouve des échos et se répand de proche en proche.

L’avenir dira ce que cette mobilisation donnera mais on peut déjà faire la remarque que le mouvement échappe totalement aux associations professionnelles. Beaucoup de psychologues ont appris la nouvelle par Facebook et les quelques listes de diffusion qui fonctionnent encore. Les syndicats de psychologues et autres associations

Les syndicats et autres associations en sont encore a diffuser l’annonce du décret d’application alors que la nouvelle est sur le réseau social Facebook depuis quelques jours et qu’elle est discutée.

jeudi 20 mai 2010

La psychologie est-elle un jeu d’enfant ?

 
Lorsque l’on demande à des enfants de 7 à 13 ans d’évaluer la difficulté de questions émanant de diverses disciplines scientifiques, ils trouvent que les questions venant de la psychologie sont les plus faciles tandis que les questions venant de la physique, de la chimie ou de la biologies sont perçues comme étant d’une difficulté égale entre elles.
 
Une autre étude s’est focalisée sur la psychologie. Des questions émanant de diverses branches de la discipline ont été évaluées par des enfants. Les questions de psychologie sociale, ou portant sur la personnalité et les émotions ont été perçues comme plus faciles que celles relatives à la cognition et à la perception ou à la psychologie biologique.
 
C’est à se demander si la psychologie n’est pas un jeu d’enfant !


PDF Keil FC, Lockhart KL, & Schlegel E (2010). A bump on a bump? Emerging intuitions concerning the relative difficulty of the sciences. Journal of experimental psychology. General, 139 (1), 1-15 PMID: 20121309

Comment les institutions de psychanalyse ont traité l’affaire Onfray

Il y a peu, Michel Onfray a publié Le Crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne, charge sévère contre le fondateur de la psychanalyse. L’affaire avait fait quelque bruits dans les média. Quelques psychanalystes avaient donné des papiers a des journaux. Des émissions de télévision organisée pour “débattre” avec Michel Onfray. Et puis, l’attention médiatique s’est peu à peu éteinte.

Comment les institutions de psychanalyse ont elle traité “l’affaire Onfray”.

J’ai visité les représentations des principales associations de psychanalyse françaises : la Société Psychanalytique de Paris, le Quatrième Groupe,  les Séminaires Psychanalytiques de Paris, la lettre lacanienne,  les CCAF , l’École Lacanienne de Psychanalyse, le GRP, la FEDEPSY, le Centre de recherches en psychanalyse et écritures, l’Association Lacanienne Internationale,  la Société de psychanalyse freudienne,l’Espace Analytique , le Cercle Freudien, , l’Association Psychanalyse Jacques Lacan, l’Ecole de Psychanalyse des Forums du Champ Lacanien , L’Ecole de la Cause Freudienne, l’Association Psychanalytique de France, l’École de psychanalyse Sigmund Freud, l’Association Analyse Freudienne.

Aucun des sites des associations française de psychanalyse ne parle du livre. Silence total

Pourtant, le livre a bel et bien été discuté sur le réseau. Il y a eu des échanges sur les forums de Oedipe.org et aussi sur Facebook.. On reconnait les même noms qui depuis une dizaine d’année maintiennent le signifiant psychanalyse sur l’Internet.

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une volonté délibérée mais beaucoup plus simplement d’un mésusage du web. La fréquence de publication de ces sites est très faible, et beaucoup se limitent à leur stricte actualité : colloques, parutions, et quelques interview. Malheureusement, aucun ne se sert des outils du web 2.0. Il est par exemple impossible d’embarquer les vidéo publiées sur le site de la SPP ni même de les mettre facilement en lien. Le résultat est logique : les sites apparaissent encore trop souvent  comme vitrines ouvertes sur ceux qui sont déjà à bord.

mardi 18 mai 2010

Pourquoi psychocosm ?

Pourquoi psychocosm ? Il faut, pour répondre à cette question, reprendre un peu l'histoire de la psychologie sur l'internet francophone.

Hier

Les premières discussions avaient pour lieu Usenet. C'était un lieu électrique, vibrant, avec des personnalités contrastées, qui échangeaient principalement sur la psychanalyse. Tout commençait et terminait sur Usenet. C'était le centre de la vie de l'Internet. Les digiborigènes y échangeaient leur culture et voyaient grandir l'étrange petit peuple du Web.

Il se trouva qu'après une flame war de trop, quelques uns émigrèrent sur le web et lui demandèrent l'asile politique. Les moeurs de ce nouveau pays semblaient étranges : on y postait des images (elles étaient interdites sur Usenet), on y postait beaucoup de souriads (ils étaient interdits sur Usenet) et on y parlait beaucoup moins de netiquette (elle était adulée sur Usenet). Des groupes de discussion furent créees ainsi que des forum web. Les discussions purent reprendre avec un public un peu plus large que sur les groupes Usenet. De nouvelles personnalités apparurent et l'on échangea à nouveau.

 

Aujourd’hui

Puis, les listes et les forums se tarirent à nouveau. La raison en était simple : ses habitants avaient emménagé sur Facebook. Ils s'y installent à nouveau, recréent des groupes et des discussions. Sans doute la conversation reprendra sur Facebook.

Mais Facebook est généraliste. Il nous faut un lieu dédié à la psychologie. Un lieu dans lequel il est à la fois possible d'établir des discussion longues mais aussi simplement faire partager quelque chose que l'on est en train de lire. Il nous faut un lieu flexible, souple, adaptable aux besoins de chacun et utilisable par tous. Il nous faut un lieu ou rassembler de vastes communautés d'intêtet et de petits groupes.

Ce lieu, c'est psychocosm.

C'est le seul lieu dédié à la psychologie à disposer de fonctions sociales avancées. Ce n'est pas un blogue, ce n'est pas un forum. C'est un site de réseau social dédié à la psychologie. Psychocosm est le chaînon manquant entre les individus et les groupes. Il permet de créer facilement des liens transversaux et donc d'éviter les étanchéités des hiérarchies verticales.

Vous y trouverez / créerez

  • une veille sur la psychologie
  • des communautés d’intérêt
  • des fonctions sociales
  • diffuser des connaissances sur la psychologie
  • des groupes
  • des blogues

Si la psychologie vous intéresse, inscrivez-vous sur Psychocosm ! Vous

Le psychanalyste Jacques Lacan sur Facebook

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Sur Internet, tout finit-il par se retrouver sur Facebook ? Le célèbre psychanalyste Jacques Lacan y a maintenant sa page. Elle est pour l’instant majoritairement commentée par des hipanohones même si quelques voix française se font entendre

Sur la page, on trouve des liens vers des vidéos du psychanalyste mais aussi de Freud. Il y a en effet sur YouTube quelques vidéos de Jacques Lacan mais aussi les images de Freud a Marsfield Garden prises par sa fille Anna quelque temps avant sa mort.

Les images sont celles qu’on lui connaît, mais on trouve aussi sous la rubrique Références quelques photos de personnes dont le travail a marqué la pensée de Jacques Lacan : Levi-Strauss ou Gaetan Gaetien de Clérambault par exemple.

Sur le mur,  on trouve aussi des sons de son séminaire. Ils sont hébergé sur le site de Patrick Valas. On trouve sur valas.fr cet appel avec lequel je souscris totalement

Quand les psychanalystes comprendront-ils que leur savoir, accumulé depuis le premier jour de son invention par Freud, et après lui par les milliers et milliers de patients entendus par des milliers et des milliers de praticiens, depuis plus d’un siècle, et dans toutes les langues du monde, ne leur appartient pas ?

C’est en effet le coeur du problème. Les enregistrements audio ont d’abord circulé sur la liste de diffusion Lutécium gérée par Danie Sibony. Cette liste a été un lieu d’échanges vibrants mais pendant longtemps des recommandations ont été faites pour que documents échangés ne soient pas diffusés plus largement. Les enregistrements audio du séminaire de Lacan étaient le grand œuvre du fond documentaire de Lutecium et, ô ironie, des flame wars ont éclaté a propos de la paternité de ces fichiers vidéo.

On trouve maintenant assez facilement les versions dactylographiées des séminaires de Lacan, celles dont Jacques-Alain Miller disait qu’elles n’existaient pas.  Malheureusement, les sites qui les diffusent sont mal référencés, et surtout, il n’est pas possible d’exporter facilement les documents. Il n’est pas possible d’un clic qu’exporter un document vers une page Facebook ou de l’embarquer pour la mettre en ligne sur un blogue

 

On finira avec Patrick Valas :

Que le nouveau de ce savoir [la psychanalyse] fait partie du patrimoine de l’humanité. Qu’il ne saurait être privatisé. Même par des soi disant héritiers. Qu’il doit échapper au commerce culturel, comme à la justice distributive, ou encore à l’accusation de plagiat pour qui veut en faire usage, bon lui semble. C’est la visée principale de ce site que de le mettre à portée de quiconque y vient pour l’acquérir.

Osera-t-on lui conseiller de faire quelques pas de plus et de permettre les commentaires sur son site ? Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas seulement la mise en avant des savoirs, mais leur exposition : il faut permettre le commentaire, la discussion, l’échange, et ce bien au-delà des différents cercles de psychanalyse. L’internet peut nous y aider. Ce serait dommage de manquer l’occasion.

lundi 17 mai 2010

Le mail est-il un média menteur ?

Nous mentons plus avec le mail qu’avec un papier et un crayon. C’est à cette conclusion qu’est arrivée effectuée sur des étudiants et des managers.

Dans le dispositif expérimental, une cagnotte d’une valeur de 89 dollars était présenté aux sujets qui devaient dire combien contenait la cagnotte et quelle part il partageaient. 92% des sujets mentent sur le montant de la cagnotte lorsque l’échange se fait par mail alors que seuls 63% mentent lorsque c’est le papier qui est utilisé.

Le même dispositif a été utilisé avec des managers répartis en équipes de trois et avec de l’argent réel. Chaque manager jouait un scientifique collectant des fonds. Là encore, ceux qui ont utilisé le mail ont menti plus que ceux qui ont utilisé le papier

Retournons les choses : la papier serait un média plus éthique ? Les résultats s’expliquent sans doute par le fait que l’écriture sur le papier engage bien davantage que l’écriture électronique. On est en contact direct avec le média, on le touche, on le sent crisser tandis que l’écriture électronique est à distance de soi, loin des mains qui écrivent.

Ecrire avec un clavier, n’est-ce pas déjà mentir un peu puisque l’on ne sait pas ce que font ses mains ?


PDF Naquin, C., Kurtzberg, T., & Belkin, L. (2010). The finer points of lying online: E-mail versus pen and paper. Journal of Applied Psychology, 95 (2), 387-394 DOI: 10.1037/a0018627

A quoi peut servir l’Internet à un psychanalyste ?

A quoi peut donc servir l’Internet à un psychanalyste ? Après tout, ce dont il a besoin c’est la libre association coté divan, l'abstinence, l'attention flottante  et sa formation coté fauteuil et entre les deux l'heureux mélange de tout cela.

A être au contact avec la culture

En une génération si l’on prend en compte la naissance de l’Internet, deux décennies si l’on part du web, une poignée d’année avec le Web 2, le réseau s’est imposé comme un des coeurs de notre culture. De plus en plus souvent, nos actes ont leur ombre sur le réseau, et il arrive de façon aussi fréquente que les ombres numériques tombent dans la réalité tangible. L’internet est devenu le lieu ou se renégocient les identités, les savoirs, les règles commerciales, les droits... C’est une immense technique de soi qui mérite d’autant  plus l’attention des psychanalystes qu’elle a tendance à se transformer en dispositif de surveillance au voisinage de tout pouvoir. 

A penser une nouvelle matière à penser

Le numérique est un nouveau “médiateur d’humanité (Debray, R et Hugues P., 2000) Après le papier et le tissu, il est la matière dans laquelle nous enveloppons et transmettons nos souvenirs, notre histoire, nos pensées. C’est une matière sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour penser le monde. Internet nous propose des représentations de l’état du monde et nous aide à en former de nouvelles. Mais c’est également une matière qui nous aide à penser notre monde interne. Nos conflits, nos empêchements, nos désirs… s’y trouvent représentés par nous même ou par d’autres. Ils peuvent alors trouver une meilleure élaboration après ce détour projectif. Le numérique a également une fonction toxique : la prolifération des images, des contenus, des contacts… met alors à mal les capacités de penser.

A être en lien avec son institution

Des associations de psychanalyse sont présentes sur le Web et diffusent régulièrement des contenus qui peuvent intéresser le psychanalyste : colloques, réunions de travail. Les sites permettent aux analystes d’être en contact avec les intérêts des collègues de leur association. Ils permettent également de suivre l’actualité d’autres associations.

A entendre

La connaissance des mondes numériques peut servir dans le travail clinique. L’internet est devenu pervasif. Son croisement avec la téléphonie mobile et la baisse du coût de la connexion haut débit l’a installé au cœur des foyers. Les patients en ont un usage parfois pluri-quotidien. L’énoncé “Mon ex sait tout sur moi sur Facebook”  ne peut être pleinement entendu que si l’on a une connaissance et une compréhension ce qu’est un site de réseau social en général et de Facebook en particulier. C’est à partir de cette connaissance que l’on pourra mieux comprendre les dynamiques en jeu : mouvement paranoïaque, difficultés de séparation, perversion du lien… Toute présence en ligne nécessite la mise en travail de questions qui tournent autour de la représentation de soi, du narcissisme, de l'orgine ou de l’identité. Les adresse email, les blogues, les sites de réseaux sociaux sont autant de silos où des éléments inconscients et préconscients sont déposés. On a là, comme avec les jeux vidéo, du matériel en attente d’être interpréter.

A diffuser le savoir de la psychanalyse

La somme des textes écrits par les psychanalystes est considérable. Sur un sujet, les bibliographies atteignent rapidement quelques dizaines de page. Il devient difficile de s’orienter dans ces savoirs qui fonctionnent alors comme des labyrinthes cryptiques alors qu’ils ne devraient qu’être que des supports au travail clinique. L’Internet peut d’une part aider à mieux diffuser les travaux des psychanalystes dans la culture et d’autre part peut aider à les re-travailler en les triant avec des folksonomies

A se présenter

L’Internet peut servir de répertoire, un peu à la manière des annuaires téléphoniques. Le fait de s’inscrire dans des répertoires permet d’être trouvé par des patients. Il est possible de créer une page sur Facebook et de la dédier à cette fonction. Un blogue peut également être dévolu à cette fonction. Il sera mieux référencé par les moteurs de recherche

A échanger avec ceux qui ne sont pas psychanalystes ou pro-psychanalyse

Nous avons beaucoup souffert des conflits entre la psychanalyse et d’autres techniques psychothérapeutiques ou des techniques éducatives.  Quelques uns s’y sont montrés dogmatiques, cristallisant les oppositions de part et d’autres. Les choses changent heureusement : la psychanalyse qui était en situation de monopole dans les années 1970 est devenue une pratique critiquée. Des espaces de travail sont à ouvrir entre la psychanalyse et ce qui n’est pas elle, et ces espaces peuvent exister sur le réseau Internet. Il est en effet facile d’utiliser des dispositifs qui mettent en commun et en partage des documents ou de créer des espaces de rencontre temporaires ou permanents.

vendredi 14 mai 2010

Apéro Géants : ne paniquez pas !

Curieux pays que la France ! Hier on vilipendait l’Internet coupable de couper la jeunesse de ce que l’on appelait la “réalité”. On s’étonnait et on s’énervait de ce que quelques uns préfèrent courir sous la forme d’une vache ou mitrailler tout ce qui passe à sa portée plutôt que de s’adonner à des activités saines. On se tournait alors vers le spécialiste : n’y a-t-il pas un risque de coupure d’avec la réalité ? Pourquoi “les jeunes” passent-il tant de temps devant leurs écrans ? Il fallait alors expliquer que “Non, Internet ne coupe pas de la réalité” et que “ les jeunes” passent beaucoup de temps devant leurs écrans, comme nous tous, et qu’ils s’en servent pour jouer et pour nouer, consolider et défaire des liens sociaux”.

Les “jeunes” prennent place.

Voilà maintenant que “les jeunes” se montrent dans l’espace public. ils sont nombreux. Très nombreux. ils sont partis d’un seul et sont arrivé quelques milliers sur les places de Nantes, Nancy, Montpetllier ou Rennes. Leur point de départ ? Facebook. Une idée est lancée, un groupe Apéro géant @quelquepart est créé en quelques clics. De J’aime en Partager, l’information est distribuée sur le réseau. Au moment prévu, les fameuses rencontres “dans la réalité” que l’on appelait de ses vœux se produisent dans l’espace public.  Il sont quelques milliers, presque une dizaine. Ils sont “les jeunes”. Ils sont bruyants. Ils prennent place.

Ne faudrait il pas accueillir cette jeunesse, lui indiquer qu’elle est bienvenue dans l’espace public plutôt que de réprimer ses désirs de rencontre ? Ne vaudrait-il pas mieux mettre de coté les alarmes sur le thème rassemblement = alcool = maladies sexuellement transmissibles = viols = morts.

Je ne méconnais pas la fin tragique du dernier Apéro Géant. Comment le pourrais-je ? D’abord il y a mort d’homme. Ensuite, les médias . De ce que je vois à Bordeaux, il y a tous les jeudis des “jeunes” qui d’évidence boivent trop. Et, je suis a peu près certain que tous les jeudis, quelques uns finissent aux urgences. Je sais également que les organisateurs de tout événement prévoient des cellules de dégrisement pour la fin de la soirée. Ce n’était pas le cas il y a vingt ans. Le problème n’est pas Facebook où les différentes manifestations. Il est dans l’équivalence que beaucoup font entre fête et alcool. A cela se superpose l’avenir désespérant de tant de “jeunes”. Ce sont ces difficultés sociales qu’il faut traiter; ensuite,  les propositions d’aide à ceux qui s’alcoolisent du fait de difficultés personnelles seront plus facilement entendues.

 

Accompagner plutôt qu’interdire

L’interdiction de ces manifestations est maladroite parce que le désir de rencontre s’organisera ailleurs, dans des lieux plus souterrains de l’Internet. Ensuite, parce que l’organisation de ces foules ne répond pas aux logiques hors-ligne. C’est un forçage que de dire que l’initiateur du groupe est l’organisateur. Personne n’organise ces apéro géants. L’ensemble les organise. Chacun est libre de se dire compter présent et de se manifester ensuite dans l’espace public.

Ces Apéro Géants font penser aux flash mobs : une foule apparaît brusquement dans l’espace publique et disparaît tout aussi brusquement. Elles sont un élément clé de la culture numérique. N’est ce pas en effet quelque chose qui se produit lorsque quelqu’un se connecte dans un bavardoir, dans un forum, ou dans un jeu ? Ne voit-on pas apparaître et disparaître des noms ? N’est-ce pas aussi ce qui se produit lorsque du fait de la précarité des collègues disparaissent autour de soi, lorsque ce n’est pas l’usine tout entière qui disparait pour repopent quelques milliers de kilomètres plus loin ?

La France, pays de Vauban et de Colbert a du mal avec les mondes numériques dont la logique est tout sauf stratégique. Ces mondes et ces foules ne se laisseront pas facilement captés dans des plans et des fonctionnement verticaux. Plutôt que de s’y épuiser, n’est-ce pas l’occasion pour l’état Francais d’aller à leur rencontre là ou ils sont ? Pourquoi ne pas installer des permanences dans Facebook ? Cela permettrait d’être présent au début de processus et de l’accompagner en postant des guides de bonne pratiques et autres recommandation.

 A quand des éductateurs dans les mondes numériques ?

jeudi 13 mai 2010

Always on

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David Shields a écrit un livre curieux. Reality Hunger: A Manifesto est composé de 618 fragments numérotés  dont la plupart sont des emprunts  faits à d’autres auteurs. Ceux-ci sont cités in-extemis à la fin du livre ? Qui a écrit le texte ? David Shield ou les Philip Roth, Joan Didion et autres Saul Bellow ?

Twenty show, le film est un objet vidéo réalisé par François Vautier et Godefroy Fouray qui pose des questions similaires. Il oscille entre le documentaire, le journal et la fiction, mêle les récits très écrits et des vidéos produites par des video bloggeur. Au final, un récit polyphonique tout à fait en phase avec notre époque.

La question du plagiat et du vol hante création en général et peut-être la littérature en particulier. Proust a écrit des pastiches toute sa vie.  Il n’est pas le seul à s’être laissé aller au plaisir des pastiches et des mélanges :  tous les élèves de sa génération ont eu a plancher sur des devoirs où il était demandé d’écrire une  “Lettre de Cicéron à Atticus” ou  à la manière de Tacite. Pour Flaubert, la pratique du pastiche avait des vertus : pratiquer les grands maîtres permettait de moins les idéaliser et finalement de moins les imiter.

Mais ce qui était des cas particuliers de l’art n’est il pas en train de devenir le banal général ? Le remixage des contenus est le quotidien de millions d’internautes. Sur les comptes personnels s’accumulent des fragments de vidéo, des images de vacances et des clichés pris à la va vite sur le chemin du travail, des liens vers des chansons, des commentaires déposés sur d’autres profils, des lieux, des pages internet, des objets ramenés des jeux vidéo, des engagements associatifs ou politiques…

Cela est devenu possible parce que nous sommes “always on”.

 

Quels effets est ce que ce “always on” peut avoir sur les psychés et particulièrement sur les psyché des plus jeunes ?

Avant l’ère de l’Internet pervasif, les choses était simples. On était en contact avec une chose ou une personne et l’on s’en séparait. La séparation, l’absence, le manque étaient une source importante de travail psychique qui pouvait conduire à de nouvelles symbolisations ou, lorsque la charge de travail était trop importantes à la rupture et à la pathologie. Les choses en vont maintenant autrement : l’absence de co-présence physique n’implique pas la séparation. Le contact psychique peut être prolongé en ligne ou par SMS, pour le meilleur comme pour le pire.

Always on : l’excitation continuelle. Le premier effet est de maintenir une excitation continuelle et contagieuse. La colère allumée par une dispute ne connaît ni trêve ni repos. Elle court de classe en classe par les SMS et allume les réseaux d’amis. Elle n’est plus contenue en un lieu – l’école, la rue – mais est partout et nulle part. Il n’est plus de lieu ou l’on ne puisse être atteint. La maison n’est plus un sanctuaire.

Always on : la mise en scène continuelle. Etre toujours connecté, c’est être toujours lié à d’autres et donc être toujours en scène et en représentation. A l’adolescence, cet aspect est particulièrement important parce que les adolescents empruntent à leur environnement et à la culture des images qu’ils endossent un moment. Le fonctionnement en faux-self leur est pour un temps nécessaire, et ce n’est qu’à de rares moments qu’ils s’autorisent à être eux-mêmes. Ces moments, dans un mode hyper connecté, se raréfient.

Always on : la surveillance continuelle. Le fait d’être toujours en représentation a un effet qui peut paraître à première vue paradoxal. L’internet est souvent montré comme le lieu de toutes les déliaisons : l’agressivité s’y satisfait facilement. Mais la présence des autres, surtout lorsqu’il s’agit d’autres que l’on connaît par ailleurs, fonctionne comme un représentant des exigences surmoïques. Il faut se tenir en ligne par crainte des retours et il faut se tenir hors ligne par crainte de la diffusion du comportement coupable dans le réseau de pairs.

 

Il faut prendre conscience que nous ne sortirons plus du “virtuel”. On n’a jamais vu une société rétrograder technologiquement. Il faut donc aider les adolescents à faire avec les matières numériques.

Pour guider efficacement les adolescents, il faut que les parents connaissent les mondes numériques, leurs eaux troubles comme leurs richesses.  Cela passe par la connaissance des réseaux sociaux, de leur fonctionnement, mais aussi de ce qui viendra par la suite.  Tout enfant a besoin d’être guidé, et les mondes numériques n’échappent à la règle.

Il est important que les enfants aient aussi d’autres investissements que les mondes numériques. Ceux-ci sont d’évidence un excellent facteur de croissance psychique puisqu’ils apportent leurs lots de liens et de plaisirs. Mais ils sont également, de façon tout aussi évidente, un lieu ou l’on sombre si l’on s’appuie que sur eux.

Enfin, heureux qui comme Ulysse sait ne pas entendre les sirènes numériques. Il faut pouvoir se retirer de la surcharge de liens que donne l’Internet.  Sur le réseau, il y a toujours quelque chose à faire, quelqu’un à qui parler, un blog à améliorer, une dernière recherche à faire, un profil à regarder, une réponse à faire. L’internet ne connaît ni trêve, ni repos et peut être comme une mère sur-excitante. S’échapper un moment de l’amicale tyrannie des pairs est une option qu’il ne faut pas hésiter de prendre.

lundi 3 mai 2010

Les professionnels de santé investissent Second Life

Les professionnels de santé trouvent dans Second Life un environnement propice à la formation et à l’information.

Le Imperial College de Londres a créé un hôpital dans Second Life dans lequel le personnel de santé peut peuvent  s’entrainer et faire face à des situations de crise. 

La formation s’appuie sur ce que Second Life peut avoir d’immersif. Rien n’est réel mais tout est vrai. Les participants s’impliquent émotionnellement et cognitivement dans les taches qui leur incombent.

La demande est devenue suffisamment importante pour qu’un marché apparaisse. Un hôpital est loué 185 dollars la journée et sa construction sera facturée à 150.000 dollars. Pour ce prix, vous aurez une petite clinique de 20 lits avec le dernier équipement high-tech et quelques scripts pour animer le tout

 

 

Second Life est également utilisé dans le cadre de la formation à l’entretien clinique. L’étudiant réalise un entretien clinique avec un avatar, qui peut être un simple bot ou un avatar joué par un instructeur.  L'’entretien clinique est ensuite débriefé avec un formateur.

Ce n’est pas la première fois que le monde médical s’approche des mondes numériques. Une étude avait déja montré que 3 heures de jeu vidéo par semaine pouvait aider les chirurgiens à faire moins d’erreurs

A quand ce type d’environnement pour la formation des psychologues ?

 

Via WSJ : Avatar II the Hospital