samedi 25 février 2012

Psychologie (en fauteuil) des dictateurs

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En 2007, Coolidge et Segal ont mis autour d’une table six experts. Il leur a été demandé d’évaluer à l’aide du DSV-IV des traits ou des syndromes psychopathologiques. Il en est sorti une étude sur les traits de personnalité de Hitler et Mussolini.

Hitler a recueilli un consensus sur les traits suivants: paranoia, personnalité antisociale, personnalité narcissisque, sadisme. Les traits de personnalité du halo schizophrénique ont été notés par les auteurs du fait d’une grandiosité excessive et d’une pensée aberrante.

La même méthode a été utilisée pour Sadam Hussein, puis pour Kim Jung II. Le dictateur irakien aurait des traits de personnalités schizophréniques.  La méthode des corrélations  montre que son profil est proche de celui établit pour Adolf Hitler (.79)

De leurs études, Coolidge et Segal tirent une constellation de six traits de personnalité qui seraient la base de la personnalité des dictateurs : le sadisme, des traits antisociaux, la paranoia, le narcissisme, des traits schizoides et schizotypiques

 

Quelque chose me dit que le même traitement pourrait être réservé à Batman, Spiderman, Wolverine, Iron Man et Naruto.


pdf-file-logo-icon (1)Frederick L. Coolidge* and Daniel L. Segal Is Kim Jong-Il like Saddam Hussein and Adolf Hitler? A personality disorder evaluation.  Behavioral Sciences of Terrorism and Political Aggression Vol. 1, No. 3, September 2009, 195–202

jeudi 23 février 2012

Représentation des angoisses adolescentes dans les films cultes

L’adolescence est un moment catastrophique à la fois par l’ampleur des changements mis en jeu et par leur rapidité. Les films cultes portent les traces de ces bouleversements psychiques dans les thèmes qui sont abordés, mais aussi dans la manière dont l’espace est traité.
Sébastien Dupont montre que les films cultes chez les adolescents mettent en avant plusieurs types d’espaces : l’immensité et le vide, les espaces enfouis, les espaces intermédiaires et les limites de l’espace humanisé.
Les immensité que les films comme Star Wars mettent si bien en valeur correspondent au sentiment de l’adolescent qui perçoit un monde nouveau. Quittant le monde de l’enfance, l’adolescent qui voit l’infini des possible s’ouvrir à lui est saisit de vertiges. L’espace peut dont aussi être perçu comme vide ou insuffisamment soutenant. L’angoisse de ne plus être soutenu par les parents ou l’environnement est alors traduite dans des images de gouffres sans fin dans lesquels le héros risque sans cesse de tomber. Parfois, le vide est objet de défis : il est alors le support de rêveries associées au vol comme dans Top Gun (Tony Scott, 1986) ou dans Star Wars lorsque le personnage maitrise “la force”
Aux immensités s’opposent dans l’imaginaire adolescent les espaces réduits et confinés. Ces espaces renferment des peurs infantiles : peur d’être enfermé, enterré, écrasé, mangé … Elle sont figurées par les situations dans lesquelles le héros se retrouve dans un environnement confiné dont les limites se réduisent peu à peu : l’enterrement de Black Mamba dans Kill Bill, l’emprisonnement de Luke et ses compagnons dans L’empire contre-attaque (Irvin Kershner, 1980) en sont deux exemples
Les espaces peuvent aussi être des espaces intermédiaires. Beaucoup d’actions se déroulent dans des espaces qui ne sont ni l’inconnu des immensités vides, ni le trop connu des espaces clos. Ce sont des espaces publics, anonymes, intermédiaires entre le connu et l’inconnu. Les squats dans Le péril jeune en sont un exemple.
Enfin, les films cultes adolescents mettent en scène un dernier type d’espace. Ce sont les limites de l’espace viable et/ou humain qui sont alors représentés. Ils expriment le désir inconscient de retourner à un état de nature imaginaire qui serrait libéré des pesanteurs des relations interhumaines. Le grand bleu (Luc Besson, 1988) met en scène ce fantasme dans l’abandon de Jacques aux profondeurs de la mer.
Ainsi, le culte que vouent les adolescents a certains films tiennent au fait qu’ils traitent de leurs angoisses. La répétition des visionnages, l’apprentissage par cœur des dialogues leur permet de traiter petit à petit les angoisses profondes auxquels les soumettent le processus adolescent. Les représentation de d’espaces trop grands ou trop vides, trop étriqués, enfouis, intermédiaires ou vides de la présence humaine leur permettent de traiter les angoisses d’une psyché insuffisamment tenue , ou trop à l’étroit dans un corps, d’avoir des représentations de ce qui se passe à l’intérieur de soi (le corps comme caverne primitive), de se trouver des lieux ni trop proches ni trop lointains, ou rêver d’une vie loin de l’industrie humaine.

pdf-file-logo-icon (1)Dupont S. (2010) Les représentations adolescentes de l’espace dans les films cultes : l’immensité, le vide, les espaces enfouis, intermédiaires. In Jocelyn Lachance, Hugues Paris, Sébastien Dupont Film Culte et culte du film chez les jeunes 
Sébastien Dupont blogue sur http://blogadolescence.canalblog.com

jeudi 16 février 2012

Psychothérapie et séduction dans la culture populaire et dans le champ clinique

On se souvient que le Docteur Paul Weston, psychothérapeute de son état, souffre de la tendre inclinaison qu’il a pour une de ses patientes. Le cas n’est pas limité à la fiction. Un sondage effectué en 2006 après de 575 psychothérapeutes montre que 87% d’entre eux ont été attirés sexuellement par un patient. Un minorité non négligeable (9,4% des hommes et 2,5% des femmes) sont passés à l’acte. L’attirance sexuelle provoque des sentiments de culpabilité, de l’anxiété ou de la confusion, pourtant près de la moitié des psychothérapeutes concernés n’ont pas cherché de l’aide.

psychothérapie et séduction dans la culture populaire

Dans la culture populaire, les relations psychothérapeute patient ont souvent été mise en avant. Très récemment, les relations entre Karl Gustav Jung et Sapina Spielrein ont fait l’objet d’un film qui montre à quel point la psychanalyse pouvait être “une méthode dangereuse”

Les dangers de la séduction sont assez récurrents dans la culture populaire. Le cas le plus fréquent est celui d’une psychothérapeute femme séduisant un patient homme.  27 films concernent ce cas de figure, tandis que le cas de psychothérapeutes hommes séduisant une patiente sont moins nombreux (15). Je ne connais pas de cas de séduction homosexuelle.

Psychothérapeute femme séduisant un patient (d’après Glen O. Gabbard, Krin Gabbard )

  • Spellbound (1945)
  • High Wall (1947)
  • Dead heat an a Merr-Go-Round (1966)
  • Zelig (1983)
  • From beyond (1986)
  • Hunk (1987)
  • Mr. Jones (1993)
  • Tin Cup (1996)
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    Psychothérapeute homme séduisant une patiente (d’après Glen O. Gabbard, Krin Gabbard )

  • Carefree (1938)
  • Lilith (1964)
  • Lovesick (1983)
  • Bad Dreams (1988)
  • Husband and Wifes (1962)
  • The Net (1995)
  • Bliss (1997)
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    Ces films mettent en image un fantasme de séduction, c’est à dire une “scène réelle ou fantasmatique, où le sujet (généralement un enfant), subit passivement, de la part d’un autre (le plus souvent un adulte), des avances ou des manœuvres sexuelles” (Laplanche et Pontalis). Ces fantasmes de séduction sont en lien avec le complexe d’Œdipe. La séduction est qui le plus souvent mise en scène est une séduction maternelle. On pourrait la traduire ainsi : “une mère séduit un fils”. Est-ce du fait que la situation de psychothérapie est une situation de soin, et que par conséquent elle rappelle les soins qu’une mère donne à son enfant ?

     

    Psychothérapie et séduction dans le champ clinique

    Carol Martin a exploré la question  en utilisant la méthode clinique. 13 psychothérapeutes (7 hommes), dont deux psychologues cliniciens et deux psychanalystes ont été interrogés sur la manière dont ils ont pu être attirés sexuellement par des clients, et la manière dont ils ont géré la situation. Tous s’accordent à reconnaitre les moments ou les frontières sont franchies mais le consensus est moins évident lorsqu’il s’agit de fantasmes.

    L’attirance sexuelle est considérée comme normale et non nécessairement dommageable pour le patient mais le consensus devient moins précis lorsqu’il s’agit de définir ou commence et ou se termine l’attirance sexuelle. Pour certains, les fantasmes du psychothérapeute sont problématiques, pour d’autres ils font partie du processus psychothérapeutique et doivent être pris en compte par le psychothérapeute. Le psychothérapeute doit prendre conscience de l’attirance sexuelle et des affects qui y sont associés (anxiété, culpabilité, honte) et traiter la question d’une façon qui soit finalement bénéfique pour le patient.

    La crispation sur le cadre du traitement est le signe d’un échec de ce processus. Il produit par ailleurs souvent chez le patient l’impression d’être rejeté et peut conduire à une fin prématurée de la psychothérapie. Les postures moralisatrices ou omnipotentes, la projection sur le client des désirs sexuels, les passages à l’acte sous forme de caresses, d’étreintes, les rencontres en dehors du  cabinet en sont d’autres signes

     

     

    pdf-file-logo-icon (1)Martin, C., Godfrey, M., Meekums, B., and Madill, A. (2011). Managing boundaries under pressure: A qualitative study of therapists’ experiences of sexual attraction in therapy. Counselling and Psychotherapy Research, 11 (4), 248-256 DOI: 10.1080/14733145.2010.519045

  • mercredi 8 février 2012

    Plus le réseaux Internet se développe, plus nous avons besoin de nous occuper des enfants

    Sigmund Freud, Racconti analitici, Lorenzo Mattotti, Millenni Einaudi 2011Le réseau Internet a une place et une importance qu’aucun média n’a eu avant lui parce qu’il est d’abord un réseau des usagers pour les usagers. Je n’ignore rien du fait que les grandes compagnies comme Google, Facebook, ou Microsoft ont un poids très important sur le réseau et ses utilisateurs  ni que des gouvernement peuvent intervenir de façon sensible sur l’Internet. Mais parce que le réseau permet de faire des choses et d’en avoir une image, il est régulièrement utilisé comme  bac à sable et comme miroir.

    Utilisé comme bac à sable, le réseau permet d’expérimenter des modalités de rencontre et de séparation avec l’autre. L’Internet permet de dessiner encore une fois une carte du tendre, avec ses codes amoureux pour les premières fois comme pour les ruptures. Le réseau permet d’avancer dans une relation à son rythme, et d’être respectueux du rythme de l’autre.

    Comme miroir, le réseau permet de valider certains aspects de soi. L’intimité y est vécue moins en relation avec l’espace et davantage en relation avec l’intentionnalité (Tisseron, 2011). Autrefois, l’inimitié était bâtie autour d’espace (la maison, les toilettes, la chambre) et de fonctions corporelles (dormir, faire l’amour, ). Elle concerne aujourd’hui aussi des espaces dématérialisés (comptes emails, réseaux sociaux)

    L’internet offre donc des possibilités mais celles ci ne peuvent véritablement être utilisées que si l’individu a les outils psychologiques pour les utiliser.

    La rencontre avec l’autre et la valorisation de certains aspects de soi se construisent dans les premières interactions avec de l’enfant avec sa famille. L’intimité ne se construit que si les soins ont été suffisamment chastes,  que le corps de l’enfant, ses territoires physiques et psychologiques ont été respectés comme des territoires inviolables. L’estime de soi dépend à la fois de l’investissement des parents et de la manière dont ils acceptent que l’enfant les désidéalise peu à peu.

    Si la construction de soi est insuffisante, la rencontre sur Internet se gâte ou n’a pas lieu. Le pseudonymat n’est plus une occasion d’exploration de soi ou des autres, mais l’occasion d’attaques agressives ou perverses. Les autres ne sont plus des partenaires pour la communication, mais investis comme des objets dont on peut librement disposer. L’internet est moins un espace social dans lequel chacun se présent qu’une arène dans laquelle il s’agit de recevoir les vivats de la foule.

    Il est évident que les adultes de demain auront à faire quotidiennement avec l’Internet. il me semble tout aussi évident que nous devons préparer les enfants d’aujourd’hui.  Cette préparation ne pas par des sensibilisations aux matières numériques, comme les twittclasse. Les Twittclasse sont des expériences à soutenir et a développer. Mais il faut aussi agir en amont.

    En effet, pour pouvoir utiliser des objets dématérialisés, il faut avoir joué suffisamment longtemps avec des matières solides. Il faut avoir joué avec de la terre et ses aliments pour pouvoir utiliser de façon créative les images d’objets qui sont dans le cyberespace. Il faut avoir l’expérience de la sensorialité du prendre, du lâcher, du faire trace pour éviter d’utiliser l’Internet comme un réservoir à sensations. Il faut avoir une expérience suffisamment bonne de la séparation, pour éviter de rester collé a un écran a attendre encore-une-autre-mise-à-jour. Il faut avoir une construction de la relation suffisamment solide, pour résister aux tentations de manipulation, d’agression ou d’humiliation de l’autre. Tout cela se construit tout au long de la vie, mais les fondations en sont posées dans les premières années.

    Plus les adultes interagissent dans un monde dématérialisé, plus il est important qu’ils aient vécu comme enfants des expériences satisfaisantes avec des objets et l’environnement humain.