samedi 22 décembre 2012

Comment parents et enfants interagissent sur Facebook

Facebook est maintenant un espace social pour au moins deux générations. Les interactions entre les parents et les enfants donnent lieu parfois à quelques ratés dont on peut s’amuser sur un site comme http://myparentsjoinedfacebook.com. Cependant, les relations entre les parents et les enfants sont loin de se limiter à ces aspects anecdotiques.

Une recherche menée par Facebook à partir des données dont ils disposent donne aperçu plus précis des relations parents-enfants sur le réseau social.

Le lien d’amitié est demandé par les enfants

Les analyses montrent que plus l’enfant est jeune, plus la demande de lien est initiée par l’enfant. De 13 à 17 ans, les demandes viennent principalement des enfants. Les demandes de lien diminuent alors que les enfants entrent dans l’âge adulte et elles augmentent à nouveau lorsqu’ils atteignent 50 ans.

Les garçons ont tendance à répondre aux messages et les filles à initier des conversations et répondre aux messages

Les filles et les garçons se comportent différemment. Elles ont autant tendance à commencer des conversation qu’a répondre aux messages. Cette tendance est encore plus marquée après 30 ans. Les garçons ont tendance à davantage recevoir les messages des parents que de débuter de nouvelles conversations

Les enfants communiquent autant que les parents

Les commentaires sur les photos, les liens, ou les posts sont autant le fait des parents que des enfants. Avec le temps, les parents ont tendance a davantage commenter les messages postés par les enfants.

Les parents disent leur fierté, les enfants leur gratitude

Une analyse des messages postés en anglais par des centaines de milliers de comptes permet de mieux comprendre le contenu des interactions. Les parents postent généralement des messages de fierté et les enfants des remerciements

 

 

 

jeudi 20 décembre 2012

11 livres sur les jeux vidéo à offrir absolument aux gamers et aux autres

Les quêtes journalières d’Azeroth ne vous laissent pas de temps pour aller farmer les magasins et Noel arrive ! Vous avez un gamer dans votre entourage et vous ne savez pas trop quoi lui offrir ? Vous voulez faire passer le message : les jeux vidéo sont des objets de culture. Oui, de culture.

Voici une short-list de livre qui traitent intelligemment des jeux vidéo. Certains sont d’une lecture facile. D’autres sont hardcore. Tous sont intéressants, passionnants, et apportent des éléments de réflexion aux débats sur les jeux vidéo

Philosophie des jeux vidéo

Matthieu Triclot apporte des analyses lumineuses sur le jeu vidéo en général et sur le jeu d’arcade en particulier.

Philosophie des jeux vidéoLa salle d'arcade des années 1970, ce qui s'est à chaque fois inventé, au fil de l'histoire des jeux vidéo, ce sont de nouvelles liaisons à la machine, de nouveaux régimes d'expérience, de nouvelles manières de jouir de l'écran. On aurait tort de négliger ce petit objet. Sous des dehors de gadget, il concentre en fait les logiques les plus puissantes du capitalisme informationnel. Et cela parce qu'il tient ensemble, comme aucune autre forme culturelle ne sait le faire, désir, marchandise et information. A l'âge de la "gamification généralisée", où le management rêve d'un "engagement total" mesuré par une batterie d'indicateurs, les jeux vidéo fournissent aussi un nouveau modèle pour l'organisation du travail, où l'aliénation s'évanouirait enfin dans le fun.

 

Les jeux vidéo au cinéma

Avant que David Peyron ne transforme sa thèse en livre et nous explique les arcanes du transmédia, ce second livre de Alexis Blanchet explore une nouvelle fois les liaisons entre les jeux vidéo et le cinéma. Pour gamer cinéphile

Les jeux vidéo au cinéma

Le cinéma et les jeux vidéo entretiennent une relation pour le moins contrariée et ambiguë depuis la fin des années 1970. À travers le prisme du jeu vidéo, le cinéma s’interroge sur le rôle de l’informatique dans nos sociétés, sur l’émergence de réalités alternatives, virtuelles ou vidéoludiques et questionne les pratiques ludiques des adolescents. 
Hackers, programmeurs, gamers et icônes du jeu vidéo sont autant de figures dont le cinéma s’empare afin de parler de l’émergence d’un nouveau média et de s’inquiéter de son influence souvent jugée néfaste sur la jeunesse. 
De TRON à Super Mario Bros., nous voici conviés à un voyage surprenant entre pixels et pellicule.

Des pixels a Hollywood

Si l’intéret des jeux vidéo était de vivre des aventures au moins aussi grandes que les écrans du cinéma, Hollywood a vite compris l’intérêt que l’industrie cinématographique pouvait tirer des jeux vidéo. Alexis Blanchet examine cette histoire riche de 35 années

Des pixels a Hollywood

À l’automne 1976, Warner Communications Inc., le conglomérat géant des médias et des industries du divertissement, rachète Atari, une petite entreprise spécialisée dans une nouvelle forme de loisir, le jeu vidéo. En quelques années, Atari représente 30 % du chiffre d’affaires global de Warner Communications…
Emblématique des relations entre Hollywood et les jeux vidéo, cet événement industriel n’est pourtant qu’une des très nombreuses manifestations de l’intérêt réciproque que se portent ces deux domaines majeurs du divertissement de masse.
Adaptation, inspiration, pastiche, plagiat, critique… Les échanges entre cinéma et jeu vidéo ont pris des formes variées et parfois étonnantes.
Des années 1970 à aujourd'hui, Des Pixels à Hollywood retrace l’histoire commune du cinéma et des jeux vidéo, à la fois concurrents et partenaires dans leur conquête du public. Une histoire économique et culturelle qui montre comment ces domaines du spectacle et de l’imaginaire ont profondément modifié le fonctionnement des industries du loisir et les processus de production des fictions contemporaines

Les jeux vidéo, ça rend pas idiot

Un playdoyer qui rend enfin justice aux jeux vidéo

Les jeux vidéo, ça rend pas idiotPlus de 40 % de la population joue aux jeux vidéo. Les femmes représentent 52 % des joueurs. 63 % des Français de plus de 10 ans ont joué aux jeux vidéo. L âge moyen des joueurs, aujourd hui de 35 ans, est en constante augmentation. C est le divertissement préféré des Français et la première industrie culturelle dans le monde. En une poignée d années, les jeux vidéo se sont positionnés comme une locomotive de l économie numérique. Ce succès tient à des logiques de marché que les éditeurs de jeux savent habilement exploiter. Mais cette explication ne suffit pas ! Les jeux vidéo ont pu prendre cette place grâce à leurs qualités propres. Ils sont devenus un média incontournable parce qu’ils sont des objets de plaisir pur. Ils sont des manières de se mettre en lien avec soi-même et avec les autres. Mais ils sont aussi plus que cela : ils sont une manière d apprivoiser le futur

Mythologie des jeux vidéo

Tony Forty est le fondateur de Planetjeux, un forum connu pour les discussion de qualité sur les jeux vidéo. Il examine ici  avec Laurent Tremel les jeux vidéo sous l’angle de leur mythologie

Mythologie des jeux vidéoControversés à la fin du XXe siècle, ce début de XXIe siècle voit le retour en grâce des jeux vidéo, promoteurs d'intelligence et de créativité... et nous finirons par remplacer l'école par des programmes adaptés sur console. Comment un tel renversement de pensée a t il pu s'opérer en si peu de temps ? Par la force de frappe des industries du jeu et le discours des " experts ". Discours qu'il était temps de déconstruire...

Les jeux vidéo. Quand jouer, c'est communiquer

Quand la vénérable revue du CNRS se penche sur les jeux vidéo, cela donne un joli pavé qui examine les discours ethno-sociaux et technico-économiques.

Les jeux vidéo. Quand jouer, c'est communiquerLes jeux vidéo passent pour un sujet complexe, ésotérique et controversé. Complexe, parce que l'expression recouvre aujourd'hui une gamme proliférante de produits sophistiqués. Esotérique puisque, sacrifiant à l'idéologie techniciste, le jargon y règne en maître. Et controversé, car le jeu vidéo serait infantilisant, capitaliste ou belliciste pour les uns, intelligent, créatif, voire sportif pour les autres. Sans nier cette polysémie ni négliger les recherches abondantes et toujours passionnées qu'elle a suscitées, la revue Hermès se propose d'aborder la question avec une idée simple: le jeu vidéo, au fond, serait un outil de communication. Qu'il constitue une entreprise d'abrutissement social ou un processus d'apprentissage innovant, qu'il suscite l'alacrité d'esprit ou favorise la dépendance, qu'il atteste l'émergence d'un art nouveau ou réponde à une stratégie marketing bien comprise, le processus demeure le même. Le jeu vidéo incite son utilisateur à communiquer en mettant à sa disposition un média de plus en plus connecté, une technologie désormais en ligne et une grammaire essentiellement ludique. Que cette communication soit biaisée n'y change rien. Voilà pourquoi la revue Hermès devait aborder les jeux vidéo. Notre monde est fasciné par la technique. Par leur inventivité, le jeu vidéo comme l'Internet - l'un et l'autre ayant partie liée - maintiennent cette fascination à ébullition. Comme ils constituent désormais l'industrie culturelle la plus florissante, avant même le cinéma, on se prend à croire que les jeux vidéo transforment la réalité à leur image. Notre monde, lit-on souvent, deviendrait ludique. N'est-ce pas prendre la partie pour le tout ? Et si, finalement, les jeux vidéo n'étaient qu'une nouvelle réponse technique à la question fondamentale : comment aborder l'Autre ?

Le monde sans fin des jeux vidéo

World of Warcraft a maintenant son livre de référence

Le monde sans fin des jeux videoCet ouvrage aborde les jeux vidéo en ligne par le plus célèbre d entre eux, World of Warcraft, et vise à interroger les causes de leur prodigieuse popularité. Laissant de côté les argumentaires, souvent courts, rabattant cette popularité sur la question de la dépendance, il remonte en amont de celle-ci pour déterminer en quoi ces jeux se font une réponse à certains des malaises et des angoisses du sujet contemporain. On préfère ces univers en ligne à la vie réelle car ils offrent les moyens d' une fuite du monde réel. Par le truchement d une identité de substitution appelée « avatar », ils rendent aussi possible de se déprendre des rôles sociaux vécus comme des fardeaux. Par les défis et les moyens de réussite qu' ils proposent, ils permettent une reconnaissance sociale fondée sur la valeur (force, richesse, expérience) de l' avatar. Enfin, ces univers partagés permettent de nouer de nouvelles relations, voire de nouvelles amitiés, où l' identité réelle sera toujours cachée, mais fonctionnant malgré tout sur des valeurs et des affinités électives : celles, souvent, les ayant menés à la pratique du jeu. Pourtant, on peut craindre un désinvestissement du sujet du monde l' entourant (désinvestissement politique, social, communautaire), au profit d une existence toute virtuelle et enrichissant des compagnies privées.

Le jeu à son ère numérique : Comprendre et analyser les jeux vidéo

Avec ce livre, Sébastien Genvo gagne le badge oldies but goldies.

Le jeu à son ère numérique : Comprendre et analyser les jeux vidéo

Au sein des médias numériques qui investissent notre quotidien, le jeu vidéo est devenu un acteur incontournable. Il change nos relations aux technologies, modifie les modes de fonctionnement de l'industrie du divertissement, pose avec force la question du rôle culturel du jeu dans nos sociétés contemporaines et ouvre de nouveaux horizons à l'expression artistique. Afin de comprendre le phénomène, il faut donc aujourd'hui disposer d'une vision d'ensemble du sujet et de méthodes d'analyse susceptibles d'accompagner chercheurs, utilisateurs, critiques et concepteurs dans l'exploration du domaine sous ses multiples dimensions. Cet ouvrage entend répondre à cette nécessité. Pour ce faire, il place au centre des interrogations ce qui fait l'essence du domaine : sa vocation ludique. Pourquoi ces jeux suscitent-ils Ci une adhésion si importante à travers l'ensemble des pays industrialisés ? Quelles sont les stratégies employées par les entreprises pour toucher leurs publics ? De quelles façons les jeux vidéo véhiculent-ils des émotions et des visions du monde particulières ? Quels rôles faut-il conférer à l'utilisateur dans l'appropriation ludique du domaine ? À travers une réflexion inédite et stimulante, émaillée systématiquement d'exemples concrets, " Le jeu à son ère numérique " pose les jalons nécessaires à l'émergence d'un nouveau champ d'étude, situé au croisement de la technologie, de l'économie et de la culture.

Questions de communication, Actes N° 8/2010 : Les jeux vidéo au croisement du social, de l'art et de la culture

Questions de communication, Actes N° 8/2010 : Les jeux vidéo au croisement du social, de l'art et de la cultureParfois qualifiés de sérieux ou de pervasifs, les jeux vidéo occupent désormais massivement les marchés du divertissement. Phénomène de grande ampleur, cet objet ne peut plus être ignoré des recherches en sciences humaines et sociales. Comme les game studies anglo-saxonnes, les recherches vidéoludiques francophones ont connu un essor au tournant du nouveau millénaire. Et si les deux champs présentent des similitudes et nourrissent des échanges, les approches francophones cultivent également leurs singularités, comme en attestent les textes réunis dans ce volume. Ces travaux s'inscrivent dans une démarche pluridisciplinaire qui cherche à éviter deux travers répandus dans les analyses du jeu vidéo : la stigmatisation et la fascination. Interroger la notion de jeu amène à s'intéresser à ses fonctions sociales, éducatives ou culturelles mais aussi à considérer sa dimension esthétique. Comprendre le phénomène, c'est aussi identifier ce qui fonde nos représentations du ludique à un moment et en un lieu donné, en étant attentif aux dynamiques d'évolution de ses manifestations. Les analyses proposées ici se situent donc résolument au croisement du social, de l'art et de la culture.

 

Introduction aux enjeux artistiques et culturels des jeux vidéo

Sébastien Genvo présente les jeux vidéo et les formes de réception par les joueurs

Introduction aux enjeux artistiques et culturels des jeux vidéoPote, Pac man, Tétris, Mario, les sims,... Tous ces noms l'ont aujourd'hui partis de la culture populaire. Il faut dire que face à la réussite économique exponentielle des jeux vidéo, peu de médias sont restés de marbre. Pour les uns, c'est un loisir de masse aliénant. Pour d'autres, il s'agit d'une nouvelle forme d'art. Certains prétendent même qu'il suit les traces de son grand frère, le cinéma, né lui aussi sous le feu des critiques. Cet ouvrage sans complaisance ni à priori se propose de jeter les bases d'une définition de cet univers. Ainsi, tout en contribuant à l'émergence d'un nouveau domaine d'étude, l'auteur n'hésite pas à remettre en cause les acquis. Emaillé d'anecdotes, d'exemples concrets et d'analyses de jeux, la visite de ce domaine permet lancer des ponts vers d'autres rivages tels que l'architecture ou la photographie. Accessible et écrit dans une langue claire, ce livre concerne aussi bien les parents de joueurs que les passionnés de technologie, et plus généralement toute personne s'intéressant à l'art ou à la culture.

Espace et temps des jeux vidéo

Espace et temps des jeux vidéo

Explorer les confins de la galaxie, des donjons sinistres ou des pays enchantés, vivre au temps des croisades ou rejouer l'issue de la guerre froide, bâtir des villes ou des empires millénaires... au point d'en oublier parfois sa famille, la fatigue ou la faim.

Tout jeu vidéo est une invitation au voyage. Les jeux vidéo sont des univers dans lesquels les joueurs plongent, s'immergent, voire s'enferment, pour vivre des aventures hors du temps et de l'espace quotidiens. Cette divergence, cette annulation, voire cette inversion du temps s'accompagnent du déploiement d'un espace de l'autre côté de l'écran. Comment cet espace-temps vidéoludique s'articule avec l'espace-temps du quotidien ? Et quelles sont les spatialités et les temporalités que les jeux vidéo déploient ?

Cet ouvrage fait converger autour de ces questions les réflexions d'auteurs de diverses sciences humaines et sociales, de la géographie aux études littéraires en passant par l'anthropologie et la philosophie.

lundi 17 décembre 2012

Pourquoi nous aimons les jeux de guerre

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Pourquoi les jeux vidéo violents ? Pourquoi passer son temps sur les champs de bataille ? N’y-t-il pas plus amusant que de tirer des balles en pleine tête ou de jeter des grenades ? Pourquoi ces grands cris, ces HEADSHOT! et ces FIRE IN THE HOLE ? Pourquoi jouer à la guerre ? N’y-a-t-il pas plus amusant ?

Peut-être d’autres jeux sont amusants. Mais il nous faut nous rendre a cette double évidence, même si elle et scandaleuse. Nous aimons jouer à la guerre parce que nous aimons la guerre. Nous trouvons belles les images de guerre, parce que nous trouvons la guerre belle.

 

Pascal Quignard le dit en ces mots saisissants :

Il faudrait chercher dans les casses des imprimeurs les caractères majuscules les plus épais et les enduire d’encre rouge afin que le plus important à dire de l’histoire des hommes sur la terre ne soit jamais omis

La chasse est excitante mais la guerre est passionnante. Elle rompt les limites. La guerre ouvre l’âme des hommes à un autre état psychique (un état plus ancien même qu’originaire, sans hiérarchie, sans famille, sans propreté, sans horaire). La guerre c’est l’âme de chacun en alerte, les classes d’âge devenues solidaires dans l’impatience de l’instant qui va suivre, le corps plongé dans une angoisse qui se mêle de fièvre, le temps devenu unanime dans l’évènement partageable par tout un chacun dans les « nouvelles » toujours neuves, dont la nouveauté se re-nouvelle sans cesse. C’est le tocsin. C’est le réveil en sursaut, les heures devenues substantielles, l’Histoire devenue signifiante. Dans la guerre chaque jour est non seulement narrable, mais chaque jour devient narrateur. L’expérience qui y assaille est du « à dire » qui ne cesse d’aller, de « une » en « une », de première page en première page, jour après jour, journal après journal, d’évènement en évènements, de vague en vague, de surgissement en surgissement. « À dire » en latin se dit legendum. Ce sont la chasse et la guerre qui fondent le « à dire » du langage et projettent le temps en légende. Chaque langue nationale est pourvue par la guerre de sa légende. C’est ce qu’on nomme l’histoire des peuples où chacun d’entre eux n’écrit qu’une histoire mensongère dans « sa » langue. Et cette histoire générique, sous les histoires des différents peuples, est toujours une histoire de guerre interhumaine qui prend la forme d’un récit de chasse animale. C’est un conte régressif. Mourir à la guerre est la mort « culturelle » par excellence. La première figuration humaine est un chasseur qui meurt. À partir du néolithique la guerre fonde le temps social. Le sacrifice considérable des mâles qu’elle consent désigne les époques dans les siècles et date les ères nouvelles dans les millénaires. Il faut boucher les oreilles devant les invectives hypocrites que les hommes ont parfois adressées contre la guerre ; les hommes n’ont pas subi la guerre ; ils l’ont inventée ; et les hommes ont inventé la guerre parce qu’ils l’aimaient ; parce qu’ils aimaient cet état d’exception s’étendant à tout l’espace ; parce qu’ils aimaient ce temps soudain en rupture ; parce qu’ils adoraient cette extase temporelle ; cette force répandue, renforcée, renforçant, ruisselante, colorée, excitée, excitante, passionnante, vivifiante. La guerre est la fête humaine par excellence. Ce sont les grandes vacances de la vie normale, harassée, divisée, malheureuse, obéissante, serve, contrainte, familiale, reproductrice, amoureuse.

                      P. Quignard, Les désarçonnés, Chapitre LXVI, La guerre

vendredi 14 décembre 2012

Le droit à l’oubli, une FBI

Mother FBI

Le Défenseur des Enfants a publié un rapport dans lequel il reprend une idée déjà assez ancienne selon laquelle chacun devrait avoir un “droit à l’oubli”. Cette disposition serait particulièrement importante pour les enfants, et devrait pouvoir être mise en œuvre par les ayant droit de l’enfant

Deux problèmes posés par le “droit à l’oubli”

Le droit à l’oubli est une Fausse Bonne Idée qui pose au moins deux problèmes. Le premier porte sur une confusion entre l’oubli et l’effacement. Le second donne aux traces en ligne une importance qu’elle n’ont pas.

Effacer les traces laissées en ligne, c’est faire comme si l’effacement et l’oubli étaient deux choses identiques. Or, il s’agit là de deux opérations très différentes. L’effacement est une opération qui porte sur des traces physique. Elle procède par retrait ou par ajout de matière comme lorsque l’on gomme un dessin ou que l’on passe du blanco sur un mot. L’oubli est une opération psychique qui procède par le retrait de l’investissement conscient et le déplacement de la trace psychique dans l’inconscient. Ces deux types de traces interagissent. Les traces physiques peuvent éveiller des traces inconscientes et soutenir le travail de la mémoire. Elles peuvent aussi servir d’écran et aider à ne pas se souvenir. Mais en aucun cas, une opération sur un type de trace n’a d’effet sur l’autre. Déchirer une photographie ne supprime le souvenir qui lui est lié

Effacer les traces laissées en ligne, c’est leur donner une importance qu’elles n’ont en général pas. C’est faire peser sur des actes d’enfants des valeurs d’adulte. C’est nier que cette expérimentation a eu en son temps de la valeur. C’est empiéter sur ce temps d’exploration de soi dont les adolescents ont besoin. C’est sacrifier les fragiles expérimentations de soi sur l’autel de l’appropriation des valeurs familiale et sociales.

Beaucoup d’actions des adolescents ne sont faites que parce qu’ils attendent des réactions des autres qu’elles leur disent qui ils sont et ce qu’ils éprouvent. S’ils mettent en ligne une image d’eux entouré de bouteilles d’alcool vides, c’est parce que les réactions des autres leur permettra de mieux comprendre ce qu’ils ont vécu et ce vers quoi ils veulent aller. C’est un processus  que les effacements faits par des tiers risquent de figer. Le droit à l’oubli transforme les mise en scène de soi en réalité condamnables ou honteuses.

Des besoins psychologiques insuffisamment pris en compte

L’adolescence est une moment d’intenses interactions avec des personnes et des idées. C’est un temps d’activités passionnées et d’explorations. L’adolescent s’essaye à des identité tout comme l’enfant s’amuse avec les vêtements de ses parents dans le dressing. Les partenaires des interactions changent. Durant l’enfance, elles ont majoritairement lieu avec les parents. Au moment de l’adolescence, les partenaires privilégiés des adolescents sont les autres adolescents

Les mondes en ligne sont des espaces parfaits pour s’essayer à de nouvelles identités. Les blogs, les comptes de réseaux sociaux, les avatars, les images par lesquelles ils se désignent, les groupes auxquels ils sont abonnés, les pages qu’ils aiment, les commentaires qu’ils laissent sont autant de traces par lesquelles ils se découvrent autrement que ce qu’ils sont. L’internet n’est pas seulement le miroir du dressing. Les réponses (ou l’absence de réponse) des autres sont autant d’attributions qui aident l’adolescent à se définir. Le réseau fonctionne comme un immense test de Rorschach groupal et polyphonique.

Une vie en ligne banale

L’internet est devenu un espace incontournable pour les adolescents en grande partie parce que les espaces dans lesquels ils se retrouvaient ont été frappés d’interdit par les adultes. Les adolescents d’aujourd’hui sont la génération la plus surveillée. Ils disposent de moins en moins d’espace et de temps en dehors du regard des adultes. Ne pouvant pas se retrouver sur le terrain de basquet ou devant un immeuble, ils se retrouvent sur MSN et Facebook.

Ce que les adolescents font en ligne est banal : ils jouent, discutent, commentent, papotent, colportent des ragots, chahutent, s’aiment, s’ennuient, se battent, découvrent des amis, s’inventent des histoires, forment des bandes. Ils font ce que leurs parents ont fait au cours de ces interminables après midi au centre commercial ou chez un ami