mardi 5 février 2013

Il y a un couac dans la famille Duck

Les Duck ne sont pas à proprement parler des super-héros. Mais l’analyse de leur histoire permet d’illustrer le point qui me tient à cœur à propos des super-héros. Les comics et les bande-dessinées en général donnent à leurs lecteurs des occasions de penser des situations psychologiques problématique ou douloureuses. Les comics  sont centrés sur la problématique de l’adolescent. L’histoire des Duck est centrée sur la problématique de la transmission familiale.

La saga des Picsou pose pour tout enfant une série d’énigmes passionnantes. Elles sont un peu différentes des questions que les enfants se posent habituellement car il ne s’agit pas du classique « d’où viennent les enfants » mais « ou sont partis les parents ? ». Riri, Fifi et Loulou sont élevés par leur oncle Donald sans que l’on sache ce que leurs parents sont devenus. Les parents de Donald sont également invisibles, et en dehors de ses trois neveux, la seule famille qu’on lui connait est un vieil oncle aussi richissime qu’avare et irascible. D’ou vient que dans cette famille, les seules figures paternelles soient des oncles ? Ou sont passées les figures maternelles ? D’où vient la fabuleuse fortune d’Oncle Picsou ?

Lorsque l’on examine d’un peu plus près la famille de Balthasar Picsou, on va de surprise en surprise. Balthasar est richissime, mais il est incapable de faire profiter à sa famille un peu de sa richesse. Il est même incapable d’en profiter pour lui même. Il est extrêmement irascible et est capable de poursuivre une personne de son ressentiment pendant des années voire des décennies. La seule chose qui lui apporte un peu de satisfaction sont les bains qu’il prend dans ses piscines débordant de pièces et de billets. Enfin, il tombe dans une profonde dépression dès lors qu’on lui vole son sou fétiche.

Donald est un incapable qui échoue avec une grande régularité tout ce qu’il entreprend. Il vivote aux crochets de son oncle Balthasar Picsou dont il est l’obligé. Une vieille dette les lient et Balthasar profite largement de cette dépendance en maltraitant son neveu. Donald a une petite amie, mais est incapable de construire une vie de couple avec elle. Son caractère irascible et son inconstance lassent régulièrement la belle Daisy. Par ailleurs, il est trop occupé à vivre d’improbables aventures au cours desquelles il met invariablement en danger les enfants qu’il est supposé protéger ou ce qu’il est sensé entreprendre. Ce sont les enfants qui, par leur ingéniosité, tirent régulièrement leur oncle et leur grand oncle des faux-pas dans lesquels sont se sont fourrés.

Riri, Fifi et Loulou sont d’affreux garnements qui arrivent chez leur oncle Donald après une énième bêtise : ils ont mis un pétard sous les fesses de leur père, ce qui lui vaut quelques jours d’hôpital. La mère décide alors de confier les enfants son frère jumeau, Donald avant de “s’évaporer”. Donald et Della sont les enfants de Hortense Picsou et de Rodolphe Duck, deux canards au caractère trempé, et il est probable qu’ils aient assisté à de nombreuses scènes de dispute conjugale. Le caractère de ceux-ci s’améliore grâce à la patience de leur arrière grand tante maternelle (qu’ils appellent Grand-Mère Donald) et à leur inscription dans la troupe des Castor Juniors.

Gontran Bonheur est l’opposé de Donald. Ce cousin de notre héros réussit tout ce qu’il tente, multiplie les conquêtes féminines, a une chance éhontée alors que Donald échoue lamentablement les taches les plus faciles, est toujours victime du mauvais sort, et a une vie amoureuse des plus insatisfaisantes. La santé psychique de Gontran n’est cependant pas meilleure que celle de son cousin Donald. C’est un narcissique suffisant et prétentieux, incapable d’être en relation avec d’autres choses que l’image qu’il donne de lui même. Gontran est un oisif, qui attend tout du destin et est incapable de fournir le moindre travail.

La jeunesse de Picsou de Don Rosa lève quelques énigmes sur l’histoire de Picsou. On y découvre comment Balthasar Picsou devient “L’homme le plus riche du monde”. Mais le récit est surtout remarquable car il est une archéologie des modes de transmission inconscientes de la famille McPicsou. L’histoire des Duck  est l’histoire  d’une famille confrontée à plusieurs traumatismes et aux effets de ces traumatismes sur les générations suivantes sous la forme de revenants ou de fantômes.