mercredi 31 décembre 2014

17 conseils à l'intention des parents qui ont des enfants connectés.


Contrairement aux idées reçues, les enfants sont généralement incompétents dans leur utilisation du réseau. Et même ceux qui le sont ont besoin de l’appui de leurs parents pour grandir. Tout simplement parce qu’ils sont des enfants. Voici quelques conseils à l'intention des parents qui ont des enfants connectés. 






  • Soyez informés

Vous ne pouvez pas rester derrière l’excuse “je ne comprends pas”. Vous devez connaitre les espaces fréquentés par les adolescents : Facebook, Ask, Twitter, Instagram, Vine, Snapchat, Tumblr. Google et Facebook sont de bons points de départ pour les premiers pas de la famille dans le monde des réseaux sociaux.



  • N’interdisez pas l’utilisation des applications

Interdire amènera sans doute votre enfant a ouvrir un compte sans vous en informer. S’il respecte l’interdit, vous perdez vous les deux. Il n’apprendra pas et vous ne l’accompagnerez pas



  • Donnez l’exemple

Les enfants apprennent par l’observation de ce que les parents font. Un grand et beau discours ne vaut rien s’il n’est pas incarné dans des conduites. Faites en sorte que votre conduite et vos paroles soient cohérentes 



  • Soyez conscient de ce que fait votre enfant en ligne

Quels sont les événements importants de sa vie numérique ? A--t-il vu une image ou une vidéo intéressante ? Quels sont les messages qui ont buzzé ? Faites de l’Internet un sujet de conversation (et non un motif de conflit)



  • Respectez la vie privée de votre enfant (et la votre)

Ne demandez pas à votre enfant ses mots de passe, et ne lui donnez pas les vôtres. Ne lui permettez pas d’envoyer des messages à partir de vos comptes ou de votre téléphone



  • Voyez avec votre enfant les paramètres de confidentialité

Les paramètres de confidentialité des réseaux sociaux peuvent nécessiter quelques explications. Passez les en revue avec votre enfant


  • Traitez avec calme les problèmes que votre enfant rencontre en ligne
Il a déjà un problème, ce n’est pas la peine de l'embarrasser davantage avec un parent en colère



  • Gardez un œil sur certaines applications


Certaines applications sont plus sensibles que d’autres : Tinder, Chatroulette, Let’s date, Secret, Whisper



  • Apprenez la netiquette à votre enfant

Internet est un espace social avec ses règles de bienséance. Par exemple, sur les réseaux sociaux, il est malvenu d’étiqueter une personne. Apprenez la netiquette à votre enfant


  • Ne comptez pas sur le contrôle parental

Comment un programme informatique pourrait éduquer votre enfant ?



  • Apprenez à votre enfant à avoir un mot de passe suffisamment sûr

Un bon mot le passe est un mot de passe qui comprend des lettres, des chiffres, des majuscules et des caractères spéciaux. Microsoft a donné des conseils pour créer un mot de passe fort. Apprenez à votre enfant à les suivre



  • Apprenez a votre enfant a naviguer discrètement

Les navigateurs ont un système de navigation privée qui permet de ne pas laisser de traces dans l’historique. Montrez-leur comment on y accède sur Chrome, Firefox, Safari et Internet Explorer



  • Soyez malicieux avec les intelligences artificielles

Apprenez à votre enfant qu'il n’est pas toujours nécessaire de dire la vérité à une intelligence artificielle



  • Apprenez à votre enfant à évaluer les contenus sur Internet

Comme le dit le philosophe Platon, tout ce qui est sur Facebook n’est pas véridique



  • Proposez des contenus

Utilisez l’internet pour nourrir la curiosité de votre enfant. Il est intéressé par la musique classique ? par les voyages ? la science ? les dinosaures ? Il y a des comptes sociaux qui traitent de tous ces sujets.



  • N’utilisez pas les réseaux sociaux pour humilier votre enfant ou pour traiter des problèmes familiaux

1) N’humiliez pas votre enfant. 2) Les problèmes familiaux se traitent en famille. 

  • N’interférez pas dans les discussions des enfants

Si vous avez eu la mauvaise idée d’être ami de votre enfant sur un réseau social, restez discret et n’interférerez pas dans les discussions des enfants. S’il y a un problème, voyez la situation avec votre enfant. 







mardi 30 décembre 2014

11 conseils pour les adolescents qui sont sur Internet

Le numérique fait de plus en plus partie de la vie des enfants et des adolescents. Dans la très grande majorité, l’Internet est associé à des éléments positifs. Les adolescents s’en servent pour trouver de l’information et discuter avec leurs amis. Il arrive aussi qu’ils soient confrontés à des éléments négatifs comme des média qui ne sont pas adaptés à leur âge, à des contacts non sollicités ou à du harcèlement. Voici quelques bons conseils à l'intention des jeunes (et des moins jeunes) digiborigènes.

  • Soyez un bon digiborigène 
L’utilisation des forums, des réseaux sociaux et du mail répond à des règles appelées “nétiquette ”.  RESPECTEZ-LA !


  • Si vous ne pouvez pas montrer la photo/le texte à votre mère, alors ne postez pas 
Le conseil s’explique de lui-même
  • Tout ce qui est numérique devient social un jour 
Si c’est numérique, cela pour être partagé. Pensez-y avant de faire cette photo, cette vidéo ou d’envoyer ce message. 

  • L’internet est un espace social 
L’internet est un espace massivement social. Les règles de politesse s’y appliquent donc massivement.

  • Postez les images le lendemain 
Donnez-vous le temps de la réflexion avant de poser des images d’une fête ou d’une sortie.
  • Vérifez vos réglages de confidentialité 
Les règles de confidentialité des sites sociaux changent régulièrement. Assurez-vous que les réglages correspondent à ce que vous souhaitez.

  • Ne nourrissez pas les trolls 
“Ne nourissez pas les trolls” est une vieille sagesse des mondes numériques. Un troll est une personne ou un message posté dans le but de provoquer de la détresse ou de la colère. La meilleure stratégie est d’ignorer le message. S’il est possible de la signaler à l’administrateur, faites-le.
  • Sachez vous tenir loin des écrans 
Lorsque être en ligne suscite plus d’énervement que de plaisir, il est temps d’éteindre les appareils et d’aller faire autre chose.
  • Les amis en ligne sont les amis hors-ligne
Sur les réseaux sociaux, privilégiez les liens et les discussions avec vos amis et votre famille.
  • Les problèmes arriveront 
Vous aurez des problèmes sur Internet tout simplement parce que les relations sociales sont compliquées. Préparez-vous.
  • Ayez une personne avec qui parler des problèmes sur Internet 
Lorsque les problèmes commencent à être hors de contrôle, il est bon de pouvoir compter sur quelqu’un.  Si vous ne pouvez pas en parler avec un membre de votre famille, pensez aux Promeneurs du net

lundi 29 décembre 2014

Les enfants, le temps et les écrans



La multiplication des écrans et leur implication dans nos loisirs, nos vies privées et professionnelle suscite de plus en plus de questions auxquelles les recherches tentent de répondre de manière raisonnée. Quel est l’effet des écrans sur nos vies sociales ? sur nos vies privées ? sur nos métiers ? L’effet des écrans sur les enfants est un domaine de recherche particulièrement important parce qu’il répond a des questions, et parfois des inquiétudes, du public.


L’effet des écrans sur le développement des enfants ne dépend pas uniquement du facteur temps, ni même de l’âge de l’enfant. La manière dont l’écran est utilisé et les médias qu’il diffuse sont également des éléments déterminants. Les écrans sont des médiateurs. Ils peuvent aussi bien être des portes que l’on ouvre que des portes que l’on ferme. Dans le premier cas, ils sont au service de la relation avec l’autre, des apprentissages, ou tout simplement du plaisir d’une activité. Dans l’autre cas, ils sont utilisés comme moyen de fermeture ou de verrouillage de la relation. 


Pendant des années, les professionnels de la petite enfance ont recommandé aux parents d’éloigner les jeunes enfants des écrans. La recommandation était sensée. Elle s’appuyait sur le fait que le développement des enfants dépend des liens privilégié qu’ils construisent avec l’environnement humain. Une somme très importante de recherche montre que tout ce qui nuit à la construction des liens d’attachement est préjudiciable à l’enfant et à l’adulte qu’il va devenir. 

Cependant, cette position tient également au fait que les professionnels de la petite enfance ont généralement tendance a avoir une perception négative de la technologie. Celle-ci est perçue comme froide et excessivement simple et opposé à un monde humain qui serait chaleureux et complexe. Une étude, publiée dans la revue Computers in Human Behavior va dans ce sens. Elle montre que des enfant de sixième qui passent cinq jours sans être exposé à la technologie lisent mieux les émotions humaines que ceux qui ont accès à leurs téléphones, ordinateurs et télévision . Cependant, d’autres études vont dans le sens opposé. Par exemple, il a été montré que des enfants de 24-36 mois sont capables d'apprendre des mots nouveaux sur Skype ou en face-à-face. L’important n’est pas la présence de l’écran mais le fait que la situation soit socialement significative.

Il faut aujourd'hui mieux prendre en compte que les pratiques autour des écrans ont changé. Ils permettent des temps d’interaction et de plaisir partagés. Ils ne sont donc pas nécessairement des obstacles à des interactions authentiques. La clé essentielle n’est pas le temps passé avec les écrans. Celui-ci devient un facteur positif lorsque les enfants et les enfants les utilisent conjointement et avec plaisir. Il est donc temps de modifier la recommandation “pas d’écran avant trois ans” par un “pas d’écran seul avant trois ans”


  • Uhls, Yalda T et al. "Five days at outdoor education camp without screens improves preteen skills with nonverbal emotion cues." Computers in Human Behavior 39 (2014): 387-392.
  • Roseberry, Sarah, Kathy Hirsh‐Pasek, and Roberta M Golinkoff. "Skype me! Socially contingent interactions help toddlers learn language." Child development 85.3 (2014): 956-970.








vendredi 26 décembre 2014

Anakin Skywalker souffre-t-il d'un Trouble de la Personnalité Limite ?


Anakin souffre-t-il d’un Trouble de la Personnalité limite ? C’est la question posée par des psychiatres français du Laboratoire de Stress Traumatique (Toulouse) et du Centre d’Etudes et de Recherches en Psychopathologie.

Les personnes présentant un Trouble de la Personnalité Limite sont caractérisées par une instabilité émotionnelle, et de grandes difficulté s à travailler et à maintenir des relations significatives. Elles luttent contre des angoisses d’abandon, un trouble de l’identité, et des pensées persécutoires. Les passages a l’acte suicidaires ou autodestructeurs sont fréquents. Le terme “limite” vient du fait que dans ses premières descriptions du trouble, le psychiatre Stern décrivait des personnes qui était entre la névrose et la psychose.

Le Trouble de la Personnalité Limite est décrit dans le DSM par neuf critères diagnostiques dont 5 sont nécessaires au diagnostic. Anakin Skywalker a six des neuf critères du Trouble de la personnalité limite du DSM : il est impulsif, à des difficultés à contrôler sa colère, et alterne entre idéalisation et la dévaluation de ses mentors. Il vit dans la crainte de personne sa femme, et fait des efforts désespérés pour éviter qu’elle l’abandonne. Il vit deux épisodes dissociatifs a la suite d’événements traumatiques : le premier lorsqu’il massacre une tribu de Tuskan après la découverte de la mort de sa mère et le second lorsqu'il tue tous les apprentis Jedi.

Pour les auteurs, l'intérêt que le public porte au personnage tient autant au fait que la saga s’appuie sur les grandes structures de l'imaginaire qu’a la personnalité du personnage. Les adolescents trouveraient dans Anakin un personnage auquel il pourraient facilement s'identifier.

Bui, Eric et al. "Is Anakin Skywalker suffering from borderline personality disorder?." Psychiatry research 185.1 (2011): 299.

mardi 23 décembre 2014

Les objets numériques sont des objets évocateurs de nos vies psychiques




Une gêne au moment de partir… Il me manque quelque chose ! Ce n’est pas que ce soit quelque chose d’essentiel, mais j’hésite à partir. Alors je rebrousse chemin, j’ouvre la porte, je cherche ce qui me manque tant et mets la main dessus avec un soupir de soulagement : un smartphone, un ordinateur portable ou un objet connecté… Pour beaucoup d’entre nous, ces objets sont devenus comme des vêtements. Ils ont a la fois une fonction sociale – ils disent notre statut et nos goûts à d’autres – et une fonction intime : ils contiennent nos conversations des plus professionnelles aux plus intimes ; ils ont le pouvoir de réveiller des souvenirs et ils ont aussi le pouvoir de les conserver 

Au sein du groupe Initiative on technology du MIT, Sherry Turkle a mené une réflexion sur ce qu’elle a appelé les "evocative objets", c'est-à-dire des objets qui nous amènent à nous penser différemment des catégories telles que le corps, le désir, l’autre. Pour le dire autrement, ces « objets évocateurs » sont des objets au contact duquel nous devenons autres.

Dans les années 1980, Sherry Turkle considérait que l’ordinateur était comme un « second self » Hors ligne, la machine offre l’extraordinaire possibilité de choisir d’être seul sans éprouver de la solitude. Il est possible de lui confier ses objets, sa vie, soi-même. Connectée sur le réseau, elle devient une porte ouverte à de nombreuses relations. Chacun pourrait ainsi explorer différents aspects de son self en jouant avec ses identités en ligne. Il ne s’agit pas simplement pour Sherry Turkle de jeux de rôle, mais de la présence au sein du self de chacun de différents mondes et jouant différents rôles en même temps.

Nous vivons de plus en plus en permanence avec des objets qui jouent le rôle de « second self ». L’ordinateur, en abandonnant quelques temps son lien avec la prise murale n’est pas seulement devenu plus transportable. Il est aussi devenu plus intime : il nous accompagne dans toutes les pièces de la maison, et même jusque dans la chambre à coucher. D’autres objets sont devenus transportables et d’autres l’ont été d’emblée. Ce sont les téléphones et autres objets connectés. De fait, tout objet embarquant du numérique est un objet évocateur

Un objet numérique est un objet évocateur d’abord parce que nous pouvons le porter comme un vêtement. Certains soignent d’ailleurs leur apparence et se présentent comme des bijoux. Ils en ont les mêmes fonctions : ils nous protègent, ils affichent notre identité, et ils sont en relation avec notre intimité psychique. Ce sont des supports de notre narcissisme, de nos investissements agressifs et érotiques. Ainsi, un blue-jean sera perçu comme étant le signe d’appartenance à un groupe social et dans le même temps il sera relié par son porteur à des souvenirs et des émotions. De la même façon, un lecteur MP4 nous relie à un groupe social et à notre espace interne. Le matériel qu’il contient est en relation directe avec notre vie psychique.

N’importe quel objet numérique peut contenir des traces de souvenir et d’émotions qui seront réactivées à chaque fois qu’on les parcourra. Dans des cas très particuliers, comme lorsque la personne est décédée, ces objets peuvent même devenir des mausolées. Les traces qu’elle contient d’elle seront conservées aussi longtemps que nécessaire au travail de deuil. De ce point de vue, les objets numériques ne sont pas seulement des diffuseurs de sons et d’images : ce sont des caves et des greniers ou enterrer ou bien simplement mettre de coté des souvenirs dont la présence immédiate est trop difficile. Il ne s’agit pas à chaque fois de choses aussi tragique qu’un deuil : parcourir son répertoire téléphonique permet de penser et repenser à ceux que l’on aime, et le refermer est une façon de se préparer à penser à autre chose. Enfin, les objets numériques ont des propriétés intéressantes pour le travail psychique. La facilité avec laquelle ils sont transformables en fait des supports de d’un travail psychique relativement libre de la culpabilité – ce qui est fait peut être défait et vice versa – tandis que la facilité avec laquelle ils sont transférables en fait une nouvelle fois des supports de liens narcissiques, agressive ou érotique

jeudi 27 novembre 2014

C'est la fin de l'écriture cursive et c'est une bonne nouvelle

La Finlande a fait savoir que l’écriture cursive ne sera plus enseignée dans ses écoles dès l’année prochaine. La raison est essentiellement pragmatique. Les écrans et les claviers se sont imposés dans notre quotidien et les pages numériques sont en passe de remplacer les pages de papier. Les compétences en dactylographie deviennent donc essentielles. Aux USA, 45 Etats ont déjà abandonné l’apprentissage de l’écriture cursive.


Est-ce un bien ? L’écriture numérique fait-elle perdre quelque chose par rapport à l’écriture cursive ? Pour le comprendre, il faut se remettre en tête ses bienfaits. L’écriture manuscrite est une étape importante dans les apprentissages des enfants. Le travail de l’écriture peut être décrit en trois mouvements : l’enfant exécute des gestes, perçoit leurs résultats et s’en fait une représentation. Il démarre dès les premières traces et se poursuit au long de l’existence sur différents supports. Ce travail est une expérience complexe dans laquelle se mêle le besoin de compétence (faire des choses, avoir un effet sur le monde), le besoin de maitrise (rester dans le cadre de la feuille, écrire sur la ligne) et le besoin de représentation (donner un sens aux traces). L’écriture manuscrite a été mise en lien avec la motricité fine, l’intégration visuo motrice visuelle et bilatérale, la planification des gestes, la proprioception, ou encore l’attention soutenue et une meilleure conscience de la main. La recherche a mis en évidence que les zones du cerveau qui sont activées par l’écriture manuscrite ne sont pas les même que celles qui sont activées par l’écriture au clavier. Il a été montré que la mémorisation est meilleure lorsque les notes sont prises à la main que lorsqu’elles sont prises avec un ordinateur. Cependant, ces résultats doivent être pris avec prudence. Tout d’abord, la supériorité de l’écriture manuscrite peut être un effet de l’habitude. La mémorisation est meilleure parce que les étudiants ont l’habitude de travailler ainsi.

Malheureusement, ces effets bénéfiques peuvent être gâchés parce que la qualité de l’écriture est souvent associée a la qualité de la personne. L’enfant qui écrit “mal” est dévalorisé. La mauvaise estime de soi qu’il construira à cette occasion aura ensuite des effets très négatifs sur son cursus scolaire. L’écriture et son enseignement sont pris dans des logiques sociales de classe. Ils sont mis au service d’un tri des individus selon des critères qui n’ont rien à voir avec les compétences scolaires

Qu’apporte l’écriture numérique ? Avec elle, on trouve bien les trois étapes de l’écriture manuscrite : exécuter un geste, percevoir les résultats et s’en faire une représentation. L’enfant qui appuie sur la touche A exécute un geste, il voit le résultat de son geste sur l’écran et il doit s’en faire une représentation.

L’écriture numérique est cependant différente de l’écriture manuscrite. Tout d’abord, elle soulage du fardeau de la belle écriture. Un A en Arial 11 sera toujours un A en Arial 11 et il se présentera toujours sous sa forme parfaite et idéale. Elle est libre de la culpabilité de ne pas pouvoir ou de la honte de ne pas savoir faire.

L’écriture numérique est ouverte. Les textes numériques peuvent être changés, transformés, modifiés. La page numérique permet de multiples repentirs et est donc plus respectueuse de nos pensées.

L’écriture numérique est hautement partageable. Elle est ouverte à l’écriture plurielle. Un texte est copié à la main a la vitesse de 20 mots par minutes en moyenne. La vitesse est de 40 mots par minutes avec un clavier. Les textes numériques peuvent être partagés sans difficulté puisque leur lecture est d’emblée évidente. Enfin, il est possible d’éditer simultanément ou de façon asynchrone un texte avec plusieurs personnes

L’apprentissage de l’écriture numérique met l’enfant au contact des dispositifs numériques. Dans les mondes numériques, tout commence avec un éditeur de texte. L’apprentissage de l’écriture numérique met donc l’enfant au contact d’un dispositif source du numérique. Il lui permet de découvrir les traitements de texte, leurs possibilités comme leurs limites. Cet apprentissage l’aide à construire une bonne littératie numérique.

Le numérique a également ses aspects problématiques. Un texte qui change sans cesse ne n’aide pas la pensée à s’arrêter. L’écriture numérique ne connait le plaisir de l’effort qui aboutit à la maitrise enfin achevée du geste qui permet de tracer un A majuscule. Enfin, l’écriture numérique est d’une très grande fragilité. Il nous est plus facile de lire des textes vieux de plusieurs centaines d’années qu’un texte écrit avec Wordstar 4.0 .

Cela signifie-t-il que tout est égal ? Que l’écriture numérique va remplacer valablement l’écriture manuscrite ? Je ne le crois pas. Cela signifie que plus nous nous avançons dans une société des écrans, c’est à dire une société qui privilégie la distance et la représentation, plus il est essentiel que les enfants aient dans les écoles et dans leurs foyers des expériences concrêtes, qu’ils jouent avec des manières, qu’ils collent et qu’ils découpent. L’intégration de ces premiers apprentissages est une étape critique pour pouvoir utiliser au mieux les dispositifs numériques

L’abandon de l’enseignement de l’écriture cursive est finalement bonne nouvelle pour plusieurs raisons

Tout d’abord, c’est reconnaitre que les compétences numériques s’apprennent. Savoir écrire est une compétence essentielle pour la civilisation du livre. Savoir écrire avec un clavier est une des compétences essentielles de la civilisation des écrans.

C’est ensuite prendre plus pleinement conscience de l’importance des premières manipulations avec les objets de la réalité concrête. Plus les mondes numériques se développent, plus une grande attention doit être portée aux tout-petits et à leur développement.

C’est enfin reconnaitre que les enfants ne naissent dans la culture numérique pas plus qu’ils naissaient dans la culture du livre. ils y sont introduits par les adultes. L’image du digital native qui parle la langue numérique sans avoir à l’apprendre est à situer à sa place : un mythe construit par les adultes et qui témoigne de leur refus de faire le travail de transmission de la culture.

McLuhan disait que les noirs avaient été saisis par l'écriture parce qu'elle avait littéralement arraché la sensibilité de l'oralité de leurs corps. Aujourd’hui, nous sommes tous des noirs saisis par l'écriture électronique

mercredi 12 novembre 2014

J'ai lu MINOTTE 2010 Cyberdependance et autres croquemitaines



Pascal Minotte est un psychologue belge. Il est chercheur à l’Institut Wallon pour la Santé Mentale (IWSM). Son livre, Cyberdépendance et autres croquemitaines est divisé en trois parties. La première est la plus longue. Elle est consacrée a la cyberdépendance. La seconde examine le lien entre  la violence et les TIC. Enfin dans une troisième partie MINOTTE examine le lien entre le virtuel et le lien social


La partie sur la cyberdépendance est organisée autour des idées fortes suivantes : 1) L’introduction d’une nouvelle technique suscite toujours des inquiétudes indissociables des questions de transmission et de conflit de génération. 2) Nous sommes dépendants des mots que nous utilisons pour décrire la réalité a tel point que nos mots créent des réalités. 3) L’évocation d’un usage problématique doit se faire a partir de la souffrance et de la demande de la personne. Ce sont l’envahissement et la centration qui sont les critères les plus pertinents pour caractériser un usage problématique. 4) les usages problématiques s’expliquent une attractivité multifactorielle de l’Internet et des caractéristiques personnelles. Le réseau est immédiatement accessible, abondant et divers dans ses contenus, promet une communication efficace. Du coté des personnes, le réseau permet de satisfaire des besoins relationnels et sociaux, d’explorer des facettes de soi, de développer des compétences. 5) les jeux vidéo peuvent être une parenthèse apaisante dans laquelle la personne échappe momentannément à sa souffrance et au contexte dans laquelle elle s’entretient. 6) les jeux vidéo peuvent être utilisés comme l’objet transitionnel pour luter contre des risques d’abandon. 7) l’adolescence est une péridode critique parce quelle correspond à la réactivation de problématiques liées à l’abandon, la sexualité, la recherche de sensation, la confrontation à l’autorité. 8) L’Internet et les jeux vidéo proposent un espace en dedans-en debors du milieu familal


L’auteur s’appuie sur la théorie faite par le psychanalyste Serge Tisseron qui a appelé “dyade numérique” l’ensemble composé par le joueur et le jeu vidéo. Cette dyade réactive les éprouvés propres aux premières relations d’objet. Elles sont une occasion de répéter ou de perlaborer ce qui a été insuffisament symbolisé.

Le chapitre sur les TIC et la violence est consacré au modèle de General Agression Model de Anderson & Bushman. Pour ce modèle, jouer a court terme augmente l'accessibilité des cognitions agressives par des processus d'amorçage sémantique mais aussi celle des affects et des réactions physiologiques en lien avec l'agressivité et les comportements d'agression

Le GAM est ciritiqué parce qu’il fait pas consensus. Il a tendance a présenter les parents en victimes secondaires vertueuses, les jeux vidéo faisant office de bouc émissaire. Il fait insuffisament cas de la réception des images violentes par les joueurs


MINOTTE evoque d’autres craintes comme les pandémies suicidaires, les prosélytismes anorexiques, le happy slapping, qui fait craindre le panurgisme


La dernière partie traite des TIC et du lien social. L’internet est présenté comme une cause de l’affaiblissement des liens sociaux; Les relations que l’on y construit sont alors décrites comme superficielles, factives, car anonymes et ou invisibles. Les individus sont dispensés d’engager et d’impliquer leurs corps. Les relations entre les personnes intégrent progressivement une logique consumériste. Malgré ces craintes, il n’existe pas de llien entre la quantité ou la difficulté à se faire des amis et le fait d’être un joueur excessif.


La conclusion de MINOTTE est de bon sens : nous ne sommes pas tous égaux dans l’usage que nous avons de ces technologies. Etablir des relations satisfaisantes et durables nécessite une certaine maturité affective et des compétences sociales. Par ailleurs, les lieux de socialisation des jeunes s’est considérablement réduit. Boyd montre que le déficit d’espaces public est un est element d’explication de l’engouement des adolescents pour l’Internet. Enfin, les bulles communautaires sont a l’honneur sur le réseau. Philippe Ricaux parle d’effet bulle pour désigner cette tendance

mardi 11 novembre 2014

Note sur les clowns maléfiques



Sur YouTube, des vidéos de clowns maléfiques ont un certain succès. On y voit un clown écraser la tête d’un corps posé sur le sol avec une énorme masse puis poursuivre les passants qui l’ont vu commettre ce crime affreux. Bien évidemment, le corps posé au sol n’est qu’un mannequin et le sang qui gicle sur les murs n’est qu’un liquide coloré. Mais la terreur éprouvée par les passants est bien réelle de même que le plaisir que l’on prend a regardé ces vidéos.



Ces vidéos ont suscité quelques vocations. On signale en France des clowns qui sèment la terreur dans les rues. Récemment, en Dordogne, un jeune homme a été mis en examen pour avoir effrayé des enfants avec un costume de clown. Comment expliquer ce phénomène ? Pourquoi les clowns peuvent-ils devenir si effrayants ?

La première interprétation est simple. Les clowns sont effrayants parce qu’ils sont à mille lieues de commettre des actes aussi violents. Le clown est associé à l’enfance, aux rires, aux chutes… c’est un personnage comique que l’on peine à associer spontanément à la violence. Lorsque le rapprochement est fait, nous ressentons intérieurement un sentiment de révolte. Le clown violent fait violence à nos représentations et à nos attentes. Il est un représentant de quelque chose qui ne doit pas être fait ou pensé.

Cependant, cette interprétation est loin d’être suffisante. Elle n’explique pas la terreur qui prend certains enfants face à un clown banal. Elle ne rend pas compte non plus des transformations du clown dans la culture populaire. Comment est-on passé du clown avec son nez rouge au clown grimaçant laissant apparaitre impressionnante . Pour rendre compte du phénomène des clowns effrayants, il faut revenir à l’origine du personnage. Les principales théories de l’horreur permettront ensuite de mieux comprendre les réactions que l’on peut avoir face aux clowns violents.

Généalogie du clown maléfique

Le clown est un personnage du cirque qui connait deux déclinaisons : le clown blanc et l’Auguste. Le clown maléfique est une déclinaison de ce dernier. Le clown blanc est un personnage digne et autoritiare. Il porte un maquillage blanc, deux grands sourcils noirs, une bouche rouge, des narines et des oreilles rouge vif. L’ensemble exprime le sérieux voire la tristesse. Il évoque également le merveilleux, l’aérien, le lunaire


L’Auguste est un contrepoint du clown blanc. Il est terrien, balourd, et pataud. Il porte des vêtements aux couleurs criardes. Son visage est blanc, avec une large bouche rouge et un nez rouge. Il porte une perruque de couleurs. Traditionnellement, le clown Auguste porte un maquillage blanc sur lequel se détachent un nez et une bouche rouge vif. Ses yeux sont immenses et parfois un petit chapeau couvre une chevelure rouge ou verte. Il porte une veste à large carreaux avec parfois une fleur à la boutonnière. Des bretelles retiennent un pantalon manifestement trop grand. Enfin, il est chaussé d’immenses chaussures qui rendent sa démarche malaisée. Les mouvements du clown sont désordonnés. Il ne faut pas beaucoup de temps pour qu’il déclenche des catastrophes.

Il existe plusieurs histoires sur l’origine du clown Auguste. Elles se résument dans le récit suivant : un garçon de piste est accidentellement introduit dans le spectacle. Ses maladresses, parfois attribuées à son alcoolisation, font rire le public. Ce qui n’était qu’un accident devient un spectacle. Le clown Auguste devient alors le faire-valoir du clown blanc avant de devenir un personnage indépendant

On retrouve avec le clown Auguste cette fonction de passeur. Déjà de par son origine, Auguste met en acte le passage de l’hors-scène à la scène. Avec Auguste, quelque chose qui était dans l’ombre passe dans la lumière. Auguste est une figure de la frontière. Elle est présente dans les carreaux de son costume. Elle est également figurée dans le fait que le clown n’est jamais totalement à sa place. Il fait des choses déplacées. Il n’est comme un enfant dans un monde de grandes personne. Cet aspect est souligné par les vêtements trop grands du clown. Son pantalon est retenu de justesse par des bretelles. Ses chaussures sont bien trop grandes. Elles sont d’ailleurs parfois remplacées par des palmes. D’évidence, le clown n’est pas dans son élément.

Les habits trop grands du clown renvoient à l’image d’un enfant dans un costume d’adulte ou à celle d’un adulte ayant régressé dans ses vêtements. L’image n’est pas la même selon que l’on est un adulte ou un enfant. Pour l’adulte , le clown est toujours l’image de régression. Pour l’enfant, le clown est une image de la régression et du travail de devenir grand auquel il est astreint. Ce travail l’amène à effectuer de difficiles et parfois douloureuses synthèses. C’est ce que signifient les pièces dépareillées du costume. Le clown est l’image de la non-synthèse. Rien en lui n’est ajusté. Rien ne tombe juste. Sa démarche est balourde. Ses chaussures et son pantalon sont trop grands. Les couleurs des carreaux de sa veste jurent. Même son visage présente un contraste entre la pâleur de la mort et le rouge vif des désirs.

Si tout dans le clown Auguste est déplacé, c’est parce qu’il déplace les règles du jeu. Il inverse l’ordre des choses. Lorsqu’il veut donner un coup de pied, il tombe. S’il joue de la trompette, les choses ne se passent pas normalement. Même les éléments de son costume ne sont que des plaisanteries. Ses gestes sont bien trop grands, sa démarche est ébrieuse, son chapeau est trop petit. La fleur qu’il accroche à sa boutonnière arrose ses partenaires alors que l’on attendrait d’une fleur qu’elle soit arrosée. Le clown Auguste est un trickster. Les contes et les légendes des cultures du monde entier comportent un personnage dont les facéties amusaient les enfants. Ce joueur de tours est aussi une porte-culture. En faisant autre chose que ce qui est attendu, il est créateur de nouvelles façons de voir le monde. Il est souvent créateur d’objets nécessaires à la survie de l’homme.

Quel est le lien du clown avec l’horreur ? Il réside dans le fait que le le clown Auguste est une figure disparate, composite, multiple. En cela, il est se rapproche d’une autre figure de la culture populaire. Le monstre de Frankenstein est lui aussi fait de bric et de broc. Il nait de l’assemblage de parties de corps différents. Il est une image de la transgression ultime puisqu’il mélange le vivant et le non vivant.

Le clown maléfique dans la culture populaire

Le clown maléfique est généralement totalement identique au clown Auguste, comme dans le roman Ca de Stephen King. Il peut aussi apporter quelques modifications. Celles-ci se concentrent alors généralement sur la bouche. La bouche ronde et féminine de l’Auguste se transforme une bouche méchamment dentée.


Le clown maléfique le plus populaire est sans doute celui du roman Ca de Stephen King. Dans ce roman, un groupe d’enfant est confronté à une force maléfique qu’ils appellent ça responsable de crimes atroce. Le clown Auguste est une des formes que “Ça ” peut prendre. Les enfants une fois devenus adultes doivent combattre “Ça ” à nouveau. “Ça ” est un monstre protéiforme qui met en scène les dangers de l’enfance : les adultes agresseurs, les violences commises par les enfants, et la violence infantile qui exige que des adultes reviennent sur leur enfance pour soigner les traumatismes du passé

Le Joker est un personnage aux cheveux verts et au visage blanchâtre de l’univers Batman. Il est partiellement inspiré de L’homme qui rit de Victor Hugo, héros monstrueux et grotesque dont le rire n’est rien d’autre qu’une balafre allant d’une oreille à l’autre faite sur ordre du Roi pour masquer son origine noble. Deux origines sont données au Joker. Dans la première, il est un criminel poursuivi par Batman. Il tombe dans une cuve d’acide et il en sort sous les traits du Joker. Dans la seconde, le sourire grimaçant du Joker est provoqué par le Batarang de Batman. Au cours d’un second combat, il tombe dans un bac d’acide et se transforme totalement en Joker (Batman Confidential #7-12, Sept 2007- Fév 2008).

Krusty le clown est un personnage du dessin animé Les Simpson. C’est un clown dépressif, tabagique et cynique qui anime un show télévisé pour les enfants. Physiquement, il est le jumeau de Homer Simpson avec un maquillage de clown. Mais à la manière du Joker, il ne porte pas de maquillage, mais doit son apparence à une succession d’attaques cardiaque. Entre mille et autres déboires, Krusty a été marié une quinzaine de fois, a connu de multiples faillites, rit hystériquement, est alcoolique…

Les théories de l’horreur

H. P. Lovecraft est un auteur connu de récits d’horreurs. Dans ses récits, un homme est généralement confronté à des forces venues d’un ailleurs lointain. Ces rencontres le plongent dans la confusion et l’effroi. Généralement, le héros finit dans une folie terrible ou est dévoré par un monstre dont la seule description peut rendre fou. Pour Lovecraft, l’horreur est une expérience religieuse. Elle confronte à une angoisse cosmique. Un récit d’horreur est un récit qui met le lecteur au contact avec des pouvoirs inconnus. Pour Lovecraft, l’horreur est suscitée chez le lecteur lorsqu’il prend conscience d’autre chose qui provoque alors un mélange de peur, de révulsion et d’émerveillement. Les héros de Lovecraft sont toujours partagés par la curiosité et la terreur. Les deux sentiments sont liés, car le héros vit sa curiosité comme quelque chose de malsain, et il a la prescience qu’elle l’entrainera vers . Les récits se terminent avec la confirmation que “certaines choses doivent ne jamais être sues”

Quel est donc ce savoir qui doit rester à jamais non su à jamais ? Le psychanalyste anglais Ernest Jones apporte une interprétation classique : c’est l’inceste. Dans son étude sur le cauchemar, il montre que les vampires provoquent l’horreur parce qu’ils représentent la satisfaction du désir incestueux. Par une succession de transformations dues a la censure du rêve, le parent est présenté comme un vampire, le souhait comme une agression, et l’amour en sadisme. Le rêveur apparait comme une victime passive - ce n’est pas lui qui désire, c’est le vampire - ce qui lui permet de jouir du plaisir d’être embrassé-mordu par le vampire

L’horreur ne se limite pas a la figure du vampire, et les désirs ne sont pas uniquement des désirs sexuels. Cependant, tous les désirs peuvent faire l’objet d’une répression. De e point de vue, ce qui provoque l’horreur ce n’est pas tant un désir particulier - ici, le désir incestueux oedipien - que le monde de la sexualité infantile. Les figures de l’horreur conduisent toutes aux expériences infantiles qui ont été refoulées : peur d’être agressé, perdu, tué, abandonné, de perdre son identité, d’être insuffisamment reconnu ou de se transformée en quelqu’un ou quelque chose d’autres

Enfn, l’horreur est un produit de la culture. Les thèmes traités par l’imaginaire de l’horreur correspondent aux questions et aux problèmes que se pose une société à un moment donné. De ce point de vue, les créatures d’horreur sont des images des répressions - et peut-être de leurs échecs - qu’une culture impose à tous ces membres. Les fièvres zombies qui envahissent régulièrement nos écrans de cinéma sont des images des tensions de notre société. (Dawn of the Dead (1978) de George Romero qui pose les standards du genre parle des tensions sexuelles et raciales USA des années 70. Aujourd’hui, les contagions zombies permettent d’évoquer la perte des limites suscitées par les transmissions numériques.

Comment comprendre les clowns maléfiques au regard de ces trois théories de l’horreur ? Les clowns maléfiques ne suscitent pas d’horreur mystique, mais ils confrontent tout de même avec l’idée que “certaines choses devraient être tues”. Ces choses sont en lien avec les désirs individuels et avec le travail de la culture qui impose des refoulements. Ma thèse est que les clowns maléfiques sont une image de perte des frontières.

Les clowns maléfiques comme passe-frontière
La perte des frontières est toujours une épreuve. Une frontière donne un point d’appui pour la pensée. Elle trace une ligne claire entre le bien et le mal, le juste et l’injuste, le plaisir et la douleur, l’interdit et l'autorisé. La question de la frontière est présente dans le clown Auguste . Elle apparait dans sa naissance, puisque quelqu’un garçon de piste devient un artiste. Elle est présente dans son costume bariolé qui met en contraste différents territoires. Elle est enfin présente dans son comportement puisqu’il se comporte d’une manière qui ne respecte pas les frontières sociales que sont les interdits.

Freud a décrit une expérience dans laquelle la personne vue un moment de flottement avec le sentiment d’être confronté à quelque chose d’à la fois inquiétant et familier L’inquiétante étrangeté correspond à une perte momentanée des limites. Un bref instant, la distinction entre le vivant et le non-vivant, l’inanimé et l’inanimé s’efface. Cet effacement correspond également à une perte de la frontière entre l’inconscient et le conscient. Pendant quelques secondes, des éléments de l’inconscient accèdent à la conscience, d’ou l’expérience de vertige et d’angoisse.

Le clown maléfique est ce familier inquiétant. Il est familier parce que l’on identifie rapidement le personnage. Ses chaussures, son pantalon, sa veste, son masque le rendent reconnaissance sans peine. Il est inquiétant par son action - il écrase un crane avec une immense masse - ou un détail - sa bouche est devenue une affreuse gueule dentée.

Comme les enfants, il est composé d’une pluralité de composantes dont la synthèse n’est pas encore faite. Les enfants doivent en effet se construire à partir d’une double filiation. Ils doivent également faire avec la double nécessité de s’incarner dans un corps et de sublimer leurs besoins biologiques. Les clowns maléfiques nous indiquent que notre rapport à l’enfance et à l’infantile se transforme. Le familier du clown est aussi celui de l’enfance. Le fait que nous le voyons comme potentiellement menaçant et destructeur que nous avons tendance à voir l’infantile de la même manière .



dimanche 2 novembre 2014

J'ai lu BERGET 2014 Histoire des jeux vidéo polémiques Vol. 2



Les jeux vidéo apparaissent régulièrement dans les faits divers. Ils sont alors présentés comme étant de près ou de loin liés à des comportements violence ou criminels. Les polémiques sont suffisamment nombreuses pour en faire l’histoire. C’est à ce travail que s’attaque le journaliste Benjamin BERGET dans son second livre Histoire des jeux vidéo polémiques. Ce second volume suit logiquement un premier Histoire des jeux vidéo polémique et en annonce un troisième qui traitera de la politique de la liberté d’expression avec les jeux d’extrême droite et d’extrême gauche.


Je n’ai eu accès qu’a une version “alpha” du livre, et il est possible que le livre imprimé diffère du PDF que j’ai entre les mains. Le livre est organisé en deux grandes parties. La première présente les jeux vidéo polémiques proprement dits. Dix-huit jeux vidéo sont passés en revue. Certains jeux comme Mortal Kombat ou Resident Evil, appartiennent déjà au panthéon des jeux vidéo. D’autres comme Chiller ou Rule of Rose sont plus anecdotiques. La seconde partie est composée du point de vue de l’auteur et d’une longue interview de Shane_Fenton


La présentation des jeux vidéo polémique suit un plan simple et lisible. Chaque jeu reçoit le même traitement. Le pitch est présenté, le système de jeu est décrit, une rapide histoire de son développement est donnée et la polémique qu’il a suscitée est présentée. Enfin, Benjamin BERGET donne son point de vue.


La seconde partie est composée de l’examen critique de questions liées aux jeux vidéo polémiques. Benjamin Berget passe en revue le traitement médiatique des jeux vidéo et l’addiction aux jeux vidéo. On y retrouve Serge Tisseron, Michael Stora, Thomas Gaon, Vanessa Lallo, Laurent Bègue et moi-même. Le livre se ferme sur interview de Shane_Fenton qui traite souvent des questions liées aux jeux vidéo sur son blog Merlan frit. Cette partie s’appuie largement sur des interviews publiées dans la presse.


Le livre Histoire des jeux vidéo polémiques vol. 2 souffre de quelques défauts. Certains sont des détails tandis que d’autres sont plus gênants. Le livre est davantage construit comme une recension de jeux vidéo polémique que d’une histoire au sens classique du terme. Benjamin Berget ne donne pas les critères de sélection des jeux vidéo qu’il présente. Sur quels critères ont été choisis les 18 jeux vidéo du livre ? Quels sont les critères qui ont permis le classement dans les deux catégories présentées ? On s’étonne de voir Mortal Kombat dans les jeux vidéo de torture. Il est a mon sens plus un jeu de baston qui doit son succès à son système de combat et aux fatalities aussi violentes qu’exagérées qui permettent de finir un combat. Quelques définitions sur ce qu’est un jeu vidéo d’horreur où un jeu vidéo de torture auraient permis d’éviter ces écueils.

Le livre s’appuie principalement sur des interviews publiées dans la presse. Cela donne une bonne idée du traitement médiatique des jeux vidéo problématique. Mais il y a une distance entre ce que les chercheurs publient et ce qu’ils disent dans la presse. Cette différence n’est pas due à de la mauvaise foi mais simplement au fait qu’il s’agit de média différent. Les rares publications scientifiques qui sont citées sont celles qui vont dans le sens de l’auteur. Enfin et surtout, Benjamin Berget fait preuve d’une méconnaissance de la culture scientifique ce qui l’amène à interpréter mal à propos des positions prises par les chercheurs.


Faut-il acheter Histoire des jeux vidéo polémiques ? Si vous cherchez un livre qui recense les grandes polémiques liées aux jeux vidéo dans le monde et en France, alors Histoire les jeux vidéo polémiques vous satisfaire. 

jeudi 30 octobre 2014

Pourquoi certains enfants ont-ils peur des clowns ?


Alors que les clowns sont traditionnellement associés au rire et au plaisir, certains enfants manifestent des signes de frayeur intense à leur vue. En 2008, l'Université de Sheffield a publié  les résultats d’une enquête portant sur 250 enfants ages de 4 à 16 ans montrant que la plupart d’entre eux n’aimaient pas ou avaient peur des clowns. Un des auteurs de l’enquête, le Docteur Curtis, parle même d’une “aversion universelle ”. Deux séries de données permettent de mieux comprendre cette crainte des clowns. La première s’appuie sur le personnage lui-même et la seconde sur des éléments de psychologie du développement.

Comment passe t-on de l’image du clown jovial au rictus grimaçant du clown maléfique ?

Le clown fait partie de la grande famille des amuseurs. Les bouffons, les Harlequin, les saltimbanques et autres tricksters appartiennent à toutes les cultures et toutes les époques. On les retrouve dans les fables et légendes partout dans le monde. Les pharaons de l’Égypte antique, les empereurs chinois et les rois des cours européennes s’amusaient de leurs facéties. Les histoires de Leuk le lièvre ou de Goupil font rire aux larmes les enfants et les adultes. Le Clown est un personnage de la limite, de la frontière, du bord. Il côtoie les cours, il est l’intime des rois, mais il n’est ni noble ni roi. Il est un articulateur

Les déterminants culturels

On peine aujourd'hui à se représenter la popularité que le clown a pu avoir au 19e. Dans la biographie qu’il consacre au clown Joseph Grimaldi Andrew McConnell Stott montre comment l'image du clown s'est peu à peu modifiée. On doit a Joseph Grimaldi le costume du clown Auguste tel qu’on le connait aujourd’hui. Il impose les habits bizarres et colorés ainsi que le port d’une perruque colorée. Son jeu est à l’image de son costume. Il se bat contre lui mème. Il est la dérision même. Andrew Scott montre que la face privée de Grimaldi était à l’opposé de la figure du clown. Rien, ou presque, dans sa vie, n’inspirait le sourire. Enfant, il est maltraité par son père. Il connait des accès de dépression, sa femme meurt en donnant naissance à son fils se suicide à l’âge de 31 ans après avoir été un clown alcoolique. Ses cascades qui amusaient tant le public lui laisseront des douleurs toute sa vie. il meurt ruiné et alcoolique en 1837

Pour Andrew Mc Connell, le clown maléfique a été créé par Charles Dickens à qui il avait été confier le soin d’écrire les mémoires du fameux clown. Dickens décrit un clown qui vit des drames pour chaque succès qu’il connait sur la piste. Ainsi, dans l’esprit du public, la vie de l’artiste devient indissociable de la vie de l’homme. Le remarquable travail d’Andrew Mac Connel n’explique cependant pas pourquoi le clown est devenu violent. Dans sa vie privée comme dans la version qu’en donne Dickens, le clown est un personnage triste,

La violence commence à apparaître avec un autre clown, Jean Gaspard Deburau. Ce clown français n’est pas un Auguste mais un Pierrot. Jean Gaspard Deburau est célèbre dans le Paris de la première moitié du 19e siècle. Il est célébré par de grands auteurs comme Charles Nodier, Théophile Gautier ou Charles Baudelaire. Un jour de 1836, il tue de coups de canne sur les boulevards un enfant qui avait eu le tord de le traiter de “Pierrot”. Jean Gaspard Deburau sera acquitté de toute charge à son procès

John Wayne Cacy fait franchir au clown un nouveau pallier dans l’horreur. John Cacy donne toute satisfaction à son travail. Il est aussi connu pour être Pogo le Clown a des fêtes. Entre 1972 et 1978, il agresse et tue plus de 35 jeunes hommes dans la région de Chicago. Aux policiers qui viennent l’arrêter, il dit comme une évidence, “Vous savez… les clowns peuvent se permettre de tuer. Il est exécuté en 1994. Pogo le Clown a sans aucun doute bien plus contribué à installer dans l’imaginaire collectif l’image du clown violent que Joseph Grimaldi ou Jean Gaspard Deburau

L’image du clown violent est ensuite traitée par la culture populaire. La liste de ces clowns serait longue à établir. On se souvient de Poltergeist dans laquelle une poupée clown devient vivante et tente d’attirer un petit garçon sous le lit. Le terrible Gripe-sous du roman Ca de Stephen King agresse des enfants. Les clowns nous viennent de l’espace dans Les clowns venus d’ailleurs (1988). Dans Clownhouse, ces fous échappés d’un asile psychiatrique martyrisent une petite ville. Le Joker reprend également la thématique de la folie. Enfin, il est difficile de clore cette petite liste sans parler du dépressif Krusty le clown de la série Les Simpson qui semble très inspiré de Joseph Grimaldi. 

L'image du clown violent est ainsi construit dans l'espace public. Elle est traduite dans différents médias, et c'est à l'occasion de leur rencontre que les enfants apprennent à en avoir peur.



Les déterminants individuels

Si l’horreur est culturellement construite, elle est également individuellement déterminée. L’angoisse qui saisit certains enfants devant un clown plonge ses racines dans les premiers moments de développement de tout être humain.

Les psychologues de l’enfant ont montré l’importance du visage dans le développement de l’enfant. Le psychanalyste Spitz en fait un organisateur précoce de la personnalité. Pour Donald Winnicott, l’enfant s’identifie au visage de sa mère. L’expérience du “still face” montre qu’un bébé de quelques semaines éprouve de la détresse lorsque sa mère lui oppose un visage impassible. Le bébé s’étonne, proteste, se détourne et parfois se déprime un moment. D’une façon générale, les masques nous confrontent a ce type d’expérience. Lorsque nous sommes face à une personne masquée ou maquillée comme un clown, la diversité de ses émotions nous échappe. Nous ne pouvons plus accorder nos émotions et nos pensées au visage de l’interlocuteur ce qui provoque de la perplexité voire de la détresse



Conclusion


Les créatures d’horreur sont des images du travail mené par une culture à un moment de son histoire. Aussi, les clowns maléfiques sont comme des messages. Quelle histoire de nous même nous racontent-ils ?

Les clowns maléfiques nous apprennent tout d’abord que notre manière de réagir devant les difficultés de la vie est en train de changer. La rage et la violence sont en train de remplacer la dépression comme modalité organisée aux difficultés de la vie. Il y a encore une génération, le clown triste était la face cachée du clown. Aujourd'hui, c’est un clown malveillant, extrêmement violent, voire maléfiques, qui remplace l’image de la tristesse. Autrement dit, la dépression comme moment de retour sur soi, certes douloureux, mais permettant une réorganisation de ce qui a été éprouvé, est mis de côté. Cette difficulté collective à passer par des moments dépressifs se traduit par la tendance à la satisfaction immédiate et rageuse des désirs.

Les clowns maléfiques sont porteurs d’un autre enseignement. Ils montrent que ce qui est traditionnellement associé à l’enfance est vu comme quelque chose de potentiellement violent et dangereux. Derrière le clown violent, c’est de l’enfance dont il faut se garder. Cette méfiance vis-à-vis de l’enfance, de ce qu’elle a de désordonné, chaotique est à mon avis à mettre en regard avec le fait que la population occidentale est vieillissante.

jeudi 16 octobre 2014

Les jeux vidéo sont une activité socialisante



Les jeux vidéo sont parfois présentés comme une activité désocialisante. Les adultes ont alors l'image d'un enfant jouant seul, accaparé par sa console ou son ordinateur. Pourtant cette image est loin de ce que les jeux vidéo sont en réalité. 

Les jeux vidéo sont une activité socialisante... tout simplement parce que ce sont des jeux. Pour bien le comprendre, il faut nous allons voir comment le jeu est une activité socialisante, puis nous verrons comment cette socialisation peut se faire au travers d'un jeu vidéo

La socialisation au travers du jeu

Le jeu est un comportement inné. Spontanément, les enfants jouent avec leurs corps, avec les sensations qu’ils peuvent produire et celles qu’ils ressentent. Ce jeu spontané est pris en charge par les adultes en encouragent certaines formes et en découragent d’autres. Le jeu est ainsi civilisateur parce qu’il est une conduite instictuelle modelée par l’environnement en fonctions de normes et de croyances. Pour l’enfant, cette civilisation d’une conduite instinctuelle se fait par le processus d’auto-régulation. Tout ne peut pas être joué. L’enfant acquit au moment de ses jeux des compétences cognitives et sociales. Jouer nécessite de faire la distinction entre la chose et le symbole qui la représente. Le jeu nécessite également d’intérioriser des normes, des rôles et de suivre des comportements adaptés

Le comportement moral - c’est à dire l’obéissance à certaines règles et normes construites socialement - est intériorisé dans le jeu. Les enfants apprennent la justice, l’obéissance à des règles, la nécessité de s’accorder, etc.

La socialisation au travers du jeu vidéo

Le jeu vidéo est l’occasion d’apprentissages sociaux avant, pendant et après les parties. Les apprentissages se font avant les parties parce que les enfants doivent tout d’abord s’accorder sur le jeu auquel ils vont jouer. Vont-ils jouer à Mario Kart ou Rayman Legends ? Les discussions donnent à chacun l’occasion de s’exercer à l’influence sociale. Les enfants prennent conscience du poids qu’ils ont dans les discussions. Pendant les parties, ils apprennent la justice, la nécessité de suivre des règles pour faire quelque chose ensemble. Les jeux vidéo sont également l’occasion de coopérer, de rivaliser et de tricher avec les autres joueurs. Ils permettent le partage et la transmission des connaissance. Les joueurs les moins expérimentés apprennent des plus expérimentés . Enfin, les jeux vidéo donnent souvent l’occasion de discuter de ce qui a été joué. Il y a autour des jeux vidéo toute une culture dont l’intégration est nécessaire pour pouvoir joué convenable. Les enfants apprennent et se transmettent entre eux le vocabulaire technique, les tours de main, les valeurs, les figures héroïques de leurs jeux préférés.

Les joueurs de jeu vidéo s'organisent dans des communautés. Les clans, les guildes, les groupes de jeu apportent des expériences sociales. En ligne, les enfants créent et gèrent des identités qui leur permettent d’avoir des interactions avec d’autres joueurs. Les grades et les surnoms permettent de reconnaitre les contributions individuelles au groupe et l’appartenance à la communauté. Contrairement à ce qui se passe dans les autres jeux, les communautés en ligne peuvent rassembler des joueurs d’ages très différents. Les enfants jouent avec des adultes. Ils peuvent avoir, dans l’espace-temps du jeu, des responsabilités, un pouvoir et une importance plus grande que celle d’un adulte.
Les enfants peuvent construire leurs propres communautés à l’écart des espaces et des communautés proposés par les adultes. Les comportements peuvent y être plus préoccupants aux yeux des adultes, mais les enfants ont besoin de cadres donnés par les adultes pour leurs jeux et d’expérimenter leurs propres cadres en en inventant de nouveau ou en modifiant ceux qui leur sont transmis.


En conclusion
Les jeux vidéo sont des activités socialisantes. Elles permettent aux enfants d'expérimenter des rôles et des statuts, d'être au contact avec l'imaginaire de leur culture, de se construire comme acteur social.



dimanche 12 octobre 2014

Comment choisir un psychothérapeute d'enfant ?

D’une façon générale, notre société est de plus en plus attentive au développement des enfants. Des outils de diagnostic de leurs difficultés et des techniques de traitement ont été mises en place tout au long du 20e siècle. Cependant, lorsqu’il est conseillé à des parents de consulter un professionnel pour leur enfant, ils ont souvent en peine de savoir comment faire. Il leur semble naturel et évident de choisir un pédiatre. Mais pour un psychothérapeute ? Comment faire pour choisir ? Sur quels critères appuyer sa décision ?



Le premier critère est pour moi la capacité d’empathie du thérapeute. La personne qui vous reçoit doit pouvoir vous mettre à l’aise. Parler de son enfant, de l’éducation qu’on lui donne, de ce qu’il représente, des problèmes qu’il pose n’est pas une chose facile. Le faire devant une personne que l’on connait depuis 5 minutes l’est encore davantage. Certains psychothérapeutes reçoivent d’abord les parents puis les parents et l’enfant dans un second temps, mais ce n’est pas une obligation. S’il est plus confortable d’être reçu seul - certains enfants agités ne permettent pas la discussion, par exemple —, dites le psychothérapeute au moment de la prise de rendez-vous. S’il refuse et que cela vous est nécessaire, prenez rendez-vous ailleurs.


La seconde chose a laquelle il faut prêter attention est la manière dont le thérapeute accueille votre enfant. A-t-il prévu des objets pour lui ? L’enfant peut-il dessiner ? Ecrire ? Jouer ? Le thérapeute s’adresse-t-il à lui ? Prend-il le temps de ses présentés ? De lui expliquer son travail ? Tous ces éléments sont essentiels. Les objets mis à disposition de l’enfant signalent que le thérapeute a préparé la venue de l’enfant. Il a pensé à lui avant de faire sa connaissance. Se présenter est également faire une place pour l’enfant.


Le psychothérapeute peut-il restituer ce qu’il a compris du problème de l’enfant ? Dans certains cas, les difficultés de l’enfant ne sont pas comprises immédiatement. Il est parfois difficile de faire un diagnostic d’emblée. Par ailleurs, la priorité du psychothérapeute est d’établir un bon contact avec l’enfant. Il arrive donc que le diagnostic soit fait et donné en cours de psychothérapie. 

Le compte-rendu fait aux parents doit être compréhensible. Le psychothérapeute évitera donc de jargonner enfin, le psychothérapeute doit pouvoir expliquer aux parents et à l’enfant comment il va pouvoir aider. Comment est-ce que le traitement proposé va changer la situation. Combien de temps va-t-il durer ? Certaines thérapies ont une durée limitée - on s’accorde alors sur un nombre donné de séance - tandis que d’autres s’arrêtent lorsque l’enfant, les parents ou le psychothérapeute y mettent fin.

Un tel psychothérapeute ne se trouve pas : il faut le chercher. Les Pages Jaunes sont un bon point de départ. Demandez aussi quelques noms autour de vous. Votre pédiatre ou votre médecin de famille connait peut-être quelqu’un. Pensez aux structures publiques comme les Consultations Médico Psychologiques, les Centres d'Action Medico Psychologiques ou associative comme les Centre Médico Psycho Pédoagogiques de votre quartier

Dans tous les cas, fiez-vous à votre jugement critique. Ce n’est pas parce que quelqu’un vous a été recommandé qu’il faut lui faire une confiance aveugle.

lundi 11 août 2014

Le jeu vidéo est une fenêtre ouverte sur la culture

Il arrive que des adultes s’inquiètent de relations privilégiées que les enfants construisent avec les machines de jeu.Le raisonnement est alors le suivant : les enfants feraient mieux de jouer à des activités de plein air plutôt que de rester enfermés dans des appartements à jouer aux jeux vidéo. Cette “vraie vie” serait pleine d’humanité, de relations authentiques avec les autres tandis que les jeux vidéo n’apporteraient que des relations “fausses ”, “virtuelles ”, “machniques”

Ce raisonnement méconnait totalement la question. Les jeux vidéo sont produits par des êtres humains. Un jeu vidéo est le fruit du travail de tout un ensemble de corps de métiers. Des programmeurs, des musiciens, des graphistes travaillent parfois pendant des années à la production d’un jeu vidéo. Des cinéastes et des écrivains participant parfois à la production d’un titre. En d’autres termes, les jeux vidéo sont des productions culturelles.


Cette culture est relativement jeune et en perpétuelle renégociation, ce qui rend difficile sa reconnaissance. Mais des formes stables commencent à apparaitre. Dans le grand univers des jeux vidéo, on voit apparaitre de grands découpages comme les jeux de plateforme, les jeux de tir, les jeux de stratégie qui sont autant de cultures différentes. En jouant à Minecraft ou LoL, l’enfant se forme aux traditions et aux cultures des jeux vidéo. Il apprend le vocabulaire technique, les arts de faire, les manières d’être dans les mondes vidéoludiques.

Les cultures des mondes numériques n’ont pas surgi comme par magie des ordinateurs. Elles s’adossent à des formes et des traditions plus anciennes. Les jeux vidéo reprennent les structures antiques du conte et du mythe pour raconter une histoire. Le joueur incarne un héros, appelé à l’aventure pour restaurer l’ordre du monde. Les jeux vidéo sont des contes mis en acte. L’identification au héros permet de mettre son agressivité au service de la communauté. Les thématiques du jeu vidéo - accroître les capacités, sauver, délivrer, accompagner, se battre contre un rival, contre le rival d’un roi pour délivrer une princesse, délivrer son père, venger la mort de son père, etc.) sont celles du conte. Elles sont une configuration du travail psychique et des conflits internes qu’ils provoquent chez l’enfant comme chez l’adulte. Si lire la Théogonie d’Hésiode peut aider une personne à mettre de l’ordre dans son monde intérieur, si les massacres, viols, trahisons de la mythologie grecques peuvent être des occasions de subjectivation, pourquoi cela ne pourrait être être le cas de God of War, qui met en scène un héros tragique qui se refuse d’être le jouet d’un destin imposé par les dieux ?

Ainsi, il n’y a pas d’un côté le monde des humains et de l’autre le monde des machines, le réel et le virtuel, l’authentique et l’artificiel. Il y a qu’un seul monde humain qui est médiatisé par la technique. En contact avec le fruit du travail et de l’expérience d’être humains. Lorsqu’un enfant joue avec un jeu vidéo, il n’est pas en contact avec une machine. il est en contact avec la culture.






vendredi 1 août 2014

Quelques remarques d'un psychologue à propos du Fire Challenge




Le “fire challenge” est un défi dans lequel le participant s’enflamme après avoir enduit son corps d’un combustible. La vidéo est ensuite mise en ligne. Les média français ont massivement relayé ce jeu après qu’un adolescent soit mort des des conséquences des brûlures qu’il s’était infligé. A ma connaissance, en France, on ne déplore qu’un seul cas de “fire challenge”

Une des premières vidéos de “fire challenge” date de 2012. On y voit YouTuber, 1BlazinEagle1 met le feu à sa poitrine. En avril 2013, RolandConstantino crée le hastag #FireChallenge pour les vidéos dans lesquels une flamme se trouve près d’une partie du corps ou en contact avec le corps.En juin 2013, 1BlazinEagle1 poste la vidéo Nuts & Chest Fire challenge dans laquelle des jeunes hommes mettent le feu aux poils de leurs poitrines. La mort de James Shores suscite un traitement des média. Plusieurs cas tragiques sont alors rapportés. Les médias sociaux régissent en supprimant le hastag #FireChallenge

Ces comportements ne sont pas nouveaux. Il existe quantité de jeux dangereux chez les adolescents et chez les enfants. Le Eraser Challenge consiste à réciter l’entement l’alphabet en frottant une partie de son corps avec une gomme. Le résultat est le plus souvent des brûlures au premier ou second degré. On a également vu sur les média sociaux le Hot Pepper Challenge qui consiste à manger un piment, avec comme résultats une sudation importante, des nausées, et des vomissements

Ces comportements ne sont pas liés au réseau Internet. Les enfants ont toujours joué à des jeux dangereux. Il suffit d’ouvrir La guerre des boutons pour s’en convaincre. Les bagarres du livre de Louis Pergaux se retrouvent dans les jeux ou un enfant est battu parce que une cannette de boisson lui est passée entre les jambes (jeu de la canette) ou parce qu’il n’a pas réussi à attraper un ballon que les autres enfants font circuler (jeu du cercle infernal). Ces jeux, ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui,  sont joués parce qu’ils apportent des sensations fortes, parce qu’ils permettent de jouer avec la mort, et parce qu'ils permettent de briller aux yeux des autres.

Le Fire Challenge est un jeu de défi dans lequel le joueur réalise un exploit. Il s’agit d’un jeu intentionnel, non contraint, dans lequel le joueur s’expose volontairement au risque. Le joueur cherche à éprouver des sensations intenses et à s’en rendre maitre. Il est également sensible à l’effet produit sur ses camarades. Il existe une dimension ordalique à toutes ces conduites puisqu'elles engagent un risque létal. Les vidéos dans lesquelles des jeunes gens jouent les équilibristes sur des toits de bâtiments russes correspent à ces conduites. La confrontation à l’accident et à la mort rassurent alors la personne sur sa capacité à être vivante et conforte son identité.

On sait pour l’instant encore peu de choses sur les personnes qui jouent au “Fire Challenge”. On ne sait rien de leurs histoires, de leurs personnalités, ni de leurs environnements sociaux alors que ce sont là des facteurs déterminants dans l’expression d’un comportement. Une seule chose est sûre : ces phénomènes sont là pour durer. D’une part parce qu’ils ont toujours été là. Les enfants, puis les adolescents, ont des jeux qui peuvent être dangereux. Ces jeux sont joués précisément parce qu’ils ont cette qualité. D’autre part, le réseau Internet leur donne une visibilité qu’ils n’avaient pas auparavant. Les digiborigènes ont intégré à leurs vies la documentation par l’image de tout ce qui est source d’excitation ou de plaisir pour eux ou pour les autres. Il leur est donc naturel de mettre en ligne ce genre de jeux.

Pour les adultes, c’est l’occasion de faire un travail d’éducation. Trop souvent, les articles de presse et les commentaires sur les réseaux sociaux se limitent à blâmer les adolescents pour qui ces jeux ont mal tourné. Il y a mieux à faire. Il est tout d’abord important de traiter ces jeunes gens avec bienveillance. Il est ensuite nécessaire de rappeler l’interdit fondamental fait à la personne d’éviter tout comportement qui pourrait lui nuire. C’est un devoir des plus vieux envers les plus jeunes que de rappeler ce que la vie doit à la vie. C’est un devoir des adultes que de dire aux jeunes que la vie est fragile. C’est un devoir de la société toute entière que de témoigner pour les plus jeunes une empathie qui traduise le désir de les voir vivants.

mercredi 2 juillet 2014






Les creepypasta sont de récits d’horreur produits et publiés sur l’Internet. Le forum /x/ de 4chan est un des lieux de production de ces récits. Ils sont généralement courts, violents, de qualité diverse et d’auteurs sont anonymes. 

Les creepypasta peuvent être comparés à d’autres formes de récits imaginaires. ils partagent avec les contes et les films d’horreur des éléments communs. Mais ils ont également des caractéristiques qui leur sont propre. Nous allons commencer par comprendre les raisons qui poussent à produire des histoires à faire peur avant d’examiner plus en détail ce que les creepypasta peuvent avoir de spécifique.

Pourquoi jouer avec la peur ? Qu’est ce qui pousse les enfants à aider toutes histoires où les personnages sont perdus dans des forêts dangereuses, dévorés par des loups ou des orgres, ou encore trahis par leurs parents ? Si les enfants aiment fréquenter la peur dans des récits, c’est parce que ceux-ci leur donnent des images dans lesquelles ils peuvent se reconnaitre. Les contes reprennent des enjeux de développement. Ils confrontent aux mystères de la vie, de la mort et de la sexualité. Par l’identification au héros, ils encouragent la curiosité et le courage. Ils raffermissent la confiance dans le coeur de l’enfant en racontant que les situations les plus tragiques peuvent se retourner avec de l’ingéniosté. Ils l’aident à comprendre l’importance du temps et des transformations qu’il apporte. 

Les contes soutiennent l’enfant par plusieurs voies différentes. Les intonations, les gestes, les mimiques du conteur dont tout d’abord des commentaires mis en marge du texte du conte. Ils indiquent à l’enfant ce qui, dans sa famille et sa société, est souhaitable et ce qui est répréhensible. Les images qui accompagnent les livres de conte sont également des invitations à imaginer. Ils donnent à la fonction imaginante de l’enfant un contener 

A l’adolescence, l’enfant retrouve les plaisir des jeux avec la peur. Ce jeu lui est d’autant plus nécessaire que la poussée pubertaire modifie les rapports qu’il a avec le monde et en particulier avec les parents. La désidéalisation des parents, aidée par leur vieillissement, et la prise de conscience des enjeux de l’âge adulte, le plonge dans des angoisses existentielles. Les récits d’horreur en sont transformés.Ceux qui étaient, au moment de l’enfance, des ogres terribles (mais facilement trompés par l’intelligence du petit) ou de bons parents idéalisés (le bon roi et la bonne reine) deviennent des entités d’une grande malveillance et ou d’une grande puissance. Le média par lequel ces récits sont transportés est également changé. L’horreur se vit maintenant dans les salles obscures des cinéma, si possible en groupe ou en couple, ce qui permet de réarticuler la violence et la sexualité. Si le conte privilégiait les images mentales, le cinéma d’horreur privilégie les images visuelles. Celles ci deviennent de plus en plus précises. Plus rien de l’horreur ou du martyre des victimes n’est épargné aux spectateurs. L’idée de “tout montrer” a pu faire craindre à certains que le film d’horreur laisse moins de place au travail de l’imaginaire que le conte.

Les creepypasta sont une autre façon de jouer avec la peur. Ces récits sont différents du conte et du cinéma d’horreur sur au moins trois points. Tout d’abord, les creepypasta sont des produits de la rencontre de la culture juvénile et de l’Internet. Les adolescents ont toujours aidé à jouer à se faire peur. L’internet permet de compiler ces récits et de les partager facilement. C’est ce qui s’est passé avec les creepypasta dont un des lieux d’origine est le /x/ un forum de 4chan consacré au surnaturel. Les récits plus partagés, et donc probablement les plus lus, sont ceux qui mêlent les angoisses adolescentes aux temps présents : intelligences artificielles qui deviennent folles, puissances tapies dans le darknet mettent l’horreur au gout du réseau. Avec ces récits, l’horreur retrouve l’oralité du conte. Les images visuelles redeviennent rares et chacun doit, à nouveau, se fabriquer ses propres images. Enfin, l’écriture des creepypasta est hypertextuelle et hypermoderne. Le fragment est préféré aux longs récits. D’abord parce parce qu’il faut adapter les textes aux machines utilisées pour les lire. Sur les forums, lire plusieurs pages peut rapidement être fastidieux. Ensuite, parce que le fragment est l’écriture qui correspondent le plus à la postmodernité. Elles traduisent d’ailleurs souvent une des propriété du réseau Internet. La transmission du réseau devient avec les creepypasta une contagion puisque le lecteurs est souvent menacé de connaitre le sort funeste des protagonistes de l'histoire. Les creepypasta traitent le plus souvent des situations d’inquiétante étrangeté. En cela, elles sont différentes du conte ou du film d’horreur. Le conte traduit les étapes de développement de l’enfant et les conflits qu’il rencontre en pointant les voies d’élaboration possible. Le film d’horreur met en image la conflictualité sexualité-violence. Les creepypasta sont davantage du coté des limites (perdues) entre le vivant et le non-vivant, l’animé et l’inanimé, le rêvé et le réel. 

Jouer à se faire peur est un des grands jeux de l’enfance. On pourrait même généraliser le rapport de la peur avec le jeu en affirmant que celui-ci a pour fonction de rendre celle là plus vivable. Tous les jeux comportent une part de peur : peur d’être attrapé par le loup, peur de perdre ses billes ou la partie de cartes, peur d’être découvert trop tôt etc. Les contes, les films d’horreur et les creepypasta permettent, chacun à leur façon, de jouer avec ses peurs.