lundi 30 juin 2014

Le jeu vidéo et la capacité à jouer chez l'enfant






Lorsque l’on parle de jeux vidéo et des enfants, il est une question qui revient souvent : les jeux vidéo ne sont-ils pas un obstacle au jeu ? Ces jeux occupent tellement les enfants que l’on peut se demander s’ils ne les pas de tous les autres jeux. C’est une question importante, car le jeu est un composant majeur du développement de l’enfant.

Le jeu offre en effet un espace dans lequel il peut s’essayer à différents rôles et aux obligations sociales qui leur sont attachées. Il peut également mettre au travail des éléments de sa vie affective et imaginaire. Ses désirs et ses anxiétés trouvent une représentation et l’enfant apporte à l’intérieur de ses jeux aux problèmes qu’ils posent des solutions. Par exemple, le jeu du papa et de la maman permet de prendre sans trop de culpabilité la place d’un parent, d’explorer des questions autour de la sexualité, de la procréation, ou de la conjugalité. A l’intérieur du jeu, il arrive souvent que l’enfant fasse preuve de capacités qui ne sont pas encore de son age. Il permet d’utiliser des formes de pensée qui ne lui est pas encore accessible (VIGOTSKY, 1978). Il est également un jeu est un précurseur de la conscience narrative de l’adulte (SINGER & SINGER)

Mais que devient le jeu avec les ordinateurs, les consoles, les smartphones ? Il existe de nombreuses études sur les effets des jeux vidéo sur la pensée ou la vie affective des enfants, mais ces recherches concernent des enfants déjà grands. Nous disposons de peu de connaissances sur les enfants plus jeunes. Pourtant, les enfants sont exposés de plus en plus précocement aux matières numériques. Quel est l’effet des jeux vidéo chez des enfants pour qui le jeu symbolique est en train de se mettre en place ? Quel est l’effet des jeux vidéo sur le développement des enfants et plus spéficiquement sur le jeu libre et symbolique. C’est à ces questions que répond la recherche menée en science de l’éducation par Irina Verenkina et Jan Herrington à l’université de Wollongong (Australie) .

La recherche est organisée autour de l’observation de deux enfants de 5 et 7 ans. Les enfants sont observés dans leurs situations de jeu avec les jeux vidéo préalablement choisis. Les enfants utilisent les éléments des jeux vidéo dans leurs interactions. Les enfants parlent de leurs jeux vidéo entre eux et ils jouent en "faire-semblant" leurs jeux vidéo. Par exemple, ils font semblant de s’occuper de chiens comme dans le jeu Dogz

Les jeux vidéo de simulation et d’aventure sont les plus susceptibles à être utilisés dans les jeux du fait de leurs affordances. D'une part, ce sont des jeux qui se rapprochent des jeux libres de l’enfant. D’autres parts, ils ont des caractéristiques spéficiques qui soutiennent l’intérêt de l’enfant pendant tout le jeu. En effet, ce sont des jeux qui sont intrinsèquement amusants. La réussite n’est pas leur but premier. Ils sont souvent liés à la vie de tous les jours. Ils permettent la manipulation de symboles et d’images. Ils sont interactifs. Ils permettent à l’enfant de voir des transformations. Ils sont d’une complexité croissance et ils accompagnent l’enfant en lui donnant des conseils et des directions.

Pour les chercheurs, ce résultat montre que les jeux vidéo ne sont pas des obstacles au jeu symbolique des enfants. Ces derniers peuvent s’appuyer sur les éléments du jeu vidéo pour construire leurs propres jeux. Ils important dans leurs espaces imaginaires les briques imaginaires données par les jeux vidéo. Ce travail de déplacement et de métaphorisation leur permet de faire un travail d’assimilation dans deux directions différentes. Le premier est tourné vers le jeu vidéo. Il permet de s’approprier totalement les différents aspects du jeu. Les discussions avec les autres enfants permettent d’intégrer le vocabulaire technique, de se remémorer le nom des personnages, la topologie des lieux etc. Le second est tourné vers des questions psychoaffectives. Un jeu comme Dogz permet à l’enfant de retrouver une situation qui lui est connue : un grand prend soin d’un petit.

Pour les parents, les résultats de cette recherche sont doublement précieux. Ils permettent tout d’abord d’être rassuré. Les jeux vidéo ne sont pas des obstacles au développement de la capacité à jouer et à imaginer des enfants. Ces derniers ont même tendance à utiliser les jeux vidéo dans leurs jeux. Autrement dit, les jeux vidéo sont mis au service du jeu symbolique que l’enfant développe naturellement.

La recherche menée par Irina Verenkina et Jan Herrington permet également aux parents de comprendre que lorsque les enfants jouent aux jeux vidéo, ou qu’ils parlent de leurs jeux vidéo, ils font quelque chose de très important. Ils construisent leur propre représentation du jeu vidéo. Ils en font autre chose. Beaucoup de parents s’inquiètent de ce que leur enfant joue immédiatement avec des Playmobils ou des Legos ce qu’il vient de jouer avec sa console. D’autres ne veulent pas encore les histoires de guerre ou de gangster parce qu’ils sont saturés des images violentes qu’ils ont vue sur le téléviseur pendant que l’adolescent jouait. Pourtant, c’est à ce moment que l’enfant finit le travail de symbolisation du jeu. Il traduit en gestes avec des jouets ou en paroles pour quelqu’un d’autre ce qu’il a joué avec des images. Ce travail est au contraire à soutenir. Les parents doivent encourager leurs enfants à leur parler de leurs parties, de leurs réussites, et des déceptions vécues au travers des jeux vidéo

vendredi 20 juin 2014

Victor Hugo, le bac, les jeunes et la culture de l'Internet



Les lycéens ont commenté leur épreuve du baccalauréat de Francais sur Twitter ce qui a encore amené des commentaires acerbes de adultes. Pourtant, à blâmer les lycéens pour leur "inculture", on manque des choses importantes et essentielles


Essayons quelque chose. Fermez les yeux, et retournez il y a 10, 20, 30 ou 40 ans en arrière. Vous êtes au bac. Vous passez une épreuve dont les résultats détermineront votre avenir à brêve ou longue échéance. Vous échouez, et c’est le retour à la case départ. Vous réussissez, et vous pourrez peut être vous inscrire dans la formation de votre choix. Ce sont là des questions importantes, mais il y a plus important encore. Votre narcissisme est indexé sur les résultats. Réussissez, et vous verrez l’admiration briller dans les yeux de vos parents. Echouez, et vous les décevrez (une nouvelle fois ?)

On m’accordera que l’épreuve du bac est un moment de stress important. Cela est vrai des bac passés, comme de celui de cette année. En psychologie, le stress est défini comme “la somme de tous les effets non spécifiques de facteurs (activités normales, facteurs de maladies, remèdes etc.) pouvant agir sur l’organisme, ces agents sont nommés stresseurs lorsqu’on fait allusion à leur capacité de produire le stress” (Selyes, 1975).


Pour faire face au stress, les personnes peuvent utiliser des mécanismes d’ajustement et de coping. Il existe deux grand types de stratégies d’ajustement au stress. La première est centrée sur la situation, et la seconde est centrée sur les émotions qu’elle génère. Les lycéens n’ont aucune possiblité d’intervenir sur la situation si l’on met de coté l’évitement de la situation d’examen qui n’est pas une solution “positive. Il leur reste donc a utiliser les mécanismes qui permettent d’agir sur les émotions. Parmi ces mécanismes de coping, l’humour tient une bonne place. Il permet de prendre de la distance par rapport à ce qui a été vécu. Ce qui précédement était source de stress ou d’angoisse devient source de plaisir.


Autrefois, cet humour était réservé a quelques témoins au sortir des salles d’examens. Aujourd’hui, l’Internet permet d’élargir l’audience. C’est ici que les smartphones et Twitter interviennent. Un des premiers geste des lycéens est de sortir leurs smartphones et d’écrire ce qu’ils viennent de vivre sur Twitter. Les messages permettent de ventiler le stress vécu pendant l’épreuve de français. Ceux qui se reconnaissent dans les premiers messages postés les diffusent à leur tour sur le réseau social ou créent des messages similaires. L’imitation et l’identification qui sont a la base de toute vie sociale, poussent de plus en plus de messages sur Twitter. ils deviennent si abondants que Victor hugo accède a la célébrité numérique. Pendant quelques heures, #victorhugo entre dans les tendances de Twitter, c’est à dire des sujets qui sont les plus discustés et partagés sur ce réseau social

Pourtant, des voix s’élèvent. On s’agace du comportement des lycées. On s’étonne de leur “inculture”. On moque leur orthographe. Et l’on manque une prise de conscience importante et essentielle

L’important est de prendre conscience que l’Internet est un espace particulier. Il est un tiers-lieux ou les utilisateurs aident à jouer et plaisanter. Les moqueries y sont fréquentes, tout comme l’auto-dérision. Beaucoup d’adolescents déforment volontairement l'orthographe des mots et la syntaxe des phrases pour le plaisir de jouer avec la langue (et pour le sens agressif que cela prend vis à vis des adultes). La culture du LOL est un élément clé des échanges sur l'Internet. Elle fait le succès d'un site comme le gorafi.  En français, ce sont ces codes qui sont utilisés sur le tumblr http://bolossdesbelleslettres.tumblr.com. Il y a là deux poids deux mesures. On rit et on félicite ces sites parodiques. Mais on fait des froncements de sourcils aux jeunes qui font de même On aurait ainsi le droit de faire de l’argent avec les tropes générés par la culture jeune et on interdirait à ces même jeunes de jouer avec les mots ?

La seconde chose dont nous devons prendre conscience est l’état de stress avancé de toute une jeunesse qui est sélectionnée, étalonnée, mesurée dans nos systèmes éducatifs.C’est cette pression qui se fait entendre dans ce torrent de tweets partagés a la sortie du bac. Il y a quelque chose de la transmission que ne fonctionne plus. Il y a quelque chose qui ne permet plus aux jeunes de se reconnaitre dans ce que leur tendent les adultes. Ce que les adultes leur donnent pour organiser leur vie ne fait plus suffisament sens pour eux.

Qui faut il blâmer ? Certainement pas les adolescents. Ce sont les adultes qui organisent la transmission. Ce sont eux qui doivent transmettre aux plus jeunes ce dont ils ont besoin au moment ou ils en ont besoin. C’est à nous de changer les choses pour que cette transmission puisse se faire encore dans le bon sens et ne serve pas à reproduire une petite élite de personnes “cultivées”


  • Selye, Hans. "The stress of life." (1956).