mercredi 30 mars 2016

Un mauvais traitement de la folie dans les jeux vidéo



Extralife.fr a consacré un billet sur les représentations de la folie dans les jeux vidéo. Le texte est signé de Alexandre Bonhomme Deveycx pour qui les représentations des maladies mentales dans les jeux vidéo sont trop imprécises. Malheureusement, c'est aussi la critique que l'on peut faire à son billet.

Voila un sujet passionnant - les représentations de la folie dans les jeux vidéo - qui est traité trop rapidement et avec trop approximations. La thèse de l'auteur est double 1) les représentations de la folie dans les jeux vidéo sont fausses 2) parce que qu'elle appuient sur la classification américaine des maladies mentale plutôt que la classification européenne.  Il en découle que la vérité psychologique des personnages en est altérée. Malheureusement, ces deux thèses sont infondées.

Le texte pêche doublement d'abord parce qu'il n'apporte pas la preuve de ce qu'il apporte et ensuite parce qu'il appuie sur une affirmation fausse.

Le Diagnostic Standard Manual de l'American Psychiatrist Association a une approche essentiellement comportementale. Le manuel décrit une série de comportements dont le regroupement correspond à un trouble. L'approche psychanalytique est différente. Elle s'appuie sur les processus psychologiques (mécanismes de défense, types de conflits, type d'angoisse) pour produire un diagnostic. Il est possible d'être psychanalyste et d'utiliser le DSM. C'est d'ailleurs ce que font la grande majorité des psychanalystes dans le monde. Il est également tout à fait possible d'être Français, donc Européen, et utiliser le DSM. La Haute Autorité de la Santé qui évalue les pratiques professionnelles et l'organisation des soins s'appuie régulièrement sur le DSM dans ses avis et ses recommandations

Pour être tout a fait complet, je précise que la France a développé sa propre classification avec la Classification des Troubles Mentaux des Enfants et des Adolescents. Les psychologues français utilisent également la Classification Internationale des Maladies Mentales dont le Chapitre 10 est consacré aux maladies mentales. Les psychanalystes allemands ont développé un système de classification appelé le Diagnostic Psychodynamique Opérationalisé

Pour un psychologue, il est tout à fait possible de faire un diagnostic des différents personnages des jeux vidéo. La limite de l'exercice à l'épaisseur narrative du jeu. Plus le jeu donne des détails sur l'histoire du personnage, sur la manière dont il réagit aux situation, sur les relations qu'il maintient avec les autres, plus le diagnostic est aisé. En ce qui concerne Max Payne, le Trouble Psychotique induit par une substance est établit du fait 1) de la présence d'hallucinations; B) les hallucinations suivent l'administration du produit et le produit est susceptible de provoquer des hallucinations; C) le trouble n'est pas mieux expliqué par un trouble psychotique qui ne serait pas lié à une substance et D) il ne s'agit pas d'un delirium

Le point C pourrait être discuté. Il est en effet possible que la perte de l'épouse et de la fille de Max Payne et la vie dangereuse qu'il mène soit suffisamment riche en stresseurs pour provoquer des troubles aussi graves qu'une psychose. La discussion portera alors sur les antécédents

Je ne veux pas reprendre tous les personnages donnés dans le billet mais juste attirer l'attention sur le fait qu'il est inexact de dire qu'aucun diagnostic ne peut être posé a propos d’un personnage de jeu vidéo. Les limites de l’exercice tiennent juste dans la quantité de données accessibles. Plus le jeu est riche en détail, plus la narration du personnage est développée, plus il sera facile d’établir un diagnostic. Celui ci pourra  être donné avec le DSM, la CIM, la CFTMEA ou l’OCD

Dire que les représentations de la folie dans les jeux vidéo sont fausses c'est mal connaitre le fonctionnement des classifications des maladies mentales. Il n'y pas une "vraie" maladie mentale qui pourrait servir de modèle mais des représentations qui évoluent avec les connaissances qui sont peu à peu établies à propos de la maladie mentale considérée. C'est d'ailleurs du fait de ces représentations qu'il y a plusieurs classifications et des conflits entre les classifications et à l'intérieur d'une classification.

Dire que les concepteurs de jeux vidéo ne sont pas au fait des classifications des maladies mentales et des problèmes qu'elles posent est une assertion non fondée. Qu'apporterait donc des connaissances en psychopathologie pour le plaisir de jouer à  un jeu vidéo ?

Au final, le billet rate une occasion de traiter sérieusement le domaine passionnant des représentations de la folie dans les jeux vidéo par manque de connaissance

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